On a longtemps évoqué la bipolarisation de la politique française, laquelle se manifestait par une opposition gauche-droite assez tranchée et, jusqu’à la bobofication de la première, assez saine. Les lignes ont sensiblement bougées, mais à l’instar de la Maginot, elles se sont aussi perméabilisées. A tel point que lorsqu’on s’oppose assez nettement au système ultra-libéral, hyper-occidental, on finit par se sentir seul face à ce front il est vrai très bigarré, avec toutes les nuances de droite. Il faut dire qu’ils se régalent en simplifiant, en abêtissant même le débat avec d’un côté les bien-pensants qui vénèrent Israël et béatifient Zelenski ! De Glucksmann - dont le papa avait déjà franchi ce pas de géant de Trotsky à Sarkozy – à Bardella – un autre gendre idéal des Français – en passant par l’ensemble de la Macronie et les survivants de la Ciottise, nous avons il est vrai, un impressionnant panel de béni-oui-oui prêts à saisir leur paquetage et enfiler leur casque lourd pour aller casser la gueule aux Russes. Nous assistons, nous les pacifistes, les gauchistes accablés de tous les maux à cette comédie, affligés, impuissants, puisqu’elle est tellement bien réglée, qu’elle fonctionne à bloc. Je pense que ce dingue de Poutine et la poignée de sanguinaires du Hamas, ignorent tout de la politique intérieure française et s’en désintéressent. Ce en quoi ils ont tort car il pourrait, sinon, mesurer leur pouvoir à manipuler l’opinion, certes contre eux, mais aussi contre les pacifistes, les humanistes qui conçoivent une appréhension moins manichéenne du monde tel qu’il est et tel qu’il se déchire. De Glucksmann à Bardella, en passant par l’ensemble de la Macronie et ce qu’il reste de Ciottise, on se réjouit de faire front commun contre les grands méchants Palestiniens et Russes réunis. Car, pendant ce temps on peut laisser les gros agriculteurs finir de saloper notre terre avec leurs chimie meurtrière et leurs bassines écocides ; les marchands d’armes et d’avions soigner le commerce extérieur ; les investisseurs construire des autoroutes et des aéroports pour quelques nantis et la pauvreté gagner du terrain, tous les jours et toujours plus, sans que cela pose le moindre problème de conscience au bon peuple terrorisé à la seule idée de la terreur ! J’en finis avec cette théorie qui me sera évidemment contestée par le plus grand nombre, avec la seule satisfaction de n’être en rien sur une ligne extrême quant à l’analyse, mais extrêmement juste dans la relation des faits. A part ça, ce n’est même pas la réélection de Poutine qui est une catastrophe, mais le fait que pour la cinquième fois le dictateur russe ait pu se présenter en ayant choisi les trois candidats fantoches qui étaient censés s’opposer à lui et qu’il a, au demeurant, vivement remercié pour leur participation. Que l'autocrate sanguinaire soit aussi parvenu à amener 75 % des électeurs aux urnes et 87 % de ceux-là, à le soutenir. Que la Russie - même si cela nous irrité au plus haut point - se retrouve, sinon Poutiniste, tout au moins poutinisée au point d'oublier les empoisonnement, les meurtres dont celui de Navalny nous hante encore. Je ne prétends évidemment pas que c’était tellement mieux avant la chute du mur de Berlin en 1989, même si - peut-être par prescience - cela n’avait pas soulevé chez moi un enthousiasme illimité. Car il s’agissait du triomphe de l’idéologie libérale sur une doctrine plus égalitaire et collective. La mondialisation, la domination de la finance, la polarisation capitaliste exultait et plus personne ne viendrait plus enrayer – pensaient-ils - la marche triomphale des puissances de l’argent. Est-ce que vous vous êtes demandé pourquoi Vladimir Poutine avait pu aussi aisément conquérir le pouvoir et le préserver jusqu’à ce jour, au bout de presque un quart de siècle ? Hé bien je vais vous le dire et c’est pas sorcier. Poutine est dans l’esprit des Américains et des valets de l’OTAN un libéral ! Il sera, pensent-ils, le garant d’une économie de marché - loin des chimères communistes - un partenaire loyal et qui plus est, très impliqué dans la croisade judéo-chrétienne contre l’Islam. Tel fut le tableau, pas vraiment idyllique mais fonctionnant raisonnablement jusqu’aux premiers débordements poutiniens que j’attribue personnellement - mais je ne suis pas psychiatre – à un dérèglement de la fonction cérébrale du petit Tsar moscovite. Il ne cessa plus dès lors de montrer ses muscles. En s’exhibant en kimono tenu par sa ceinture noire, puis chevauchant le torse nu, glabre mais musclé, dans la steppe ex-soviétique. L’étonnement grandit lorsqu’il s’en prit d’abord à la Tchétchénie puis dans l’élan à la Géorgie. La communauté internationale fronça les sourcils, mais n’intervenant que sur des territoires neutres et le sachant encore complice de ce monde mis en coupes réglées par l’Occident libéral, le laissa jouer avec ses petits soldats. Rien n’indique qu’il n’en serait pas resté là si l'Ukraine, probablement manipulée, ne s’était pas mise en tête de mettre « le cap à l’ouest » comme on disait au bon vieux temps de la guerre froide. Car sous Kroutchev et Brejnev, on ne pratiquait certes pas l’humour des salles de garde et l’on ne souriait que d’un rictus nerveux lorsqu’on se prenait les poils dans la braguette, mais au moins les règles étaient nettes et les frontières précises. En résumé, c’est lorsque l’on a cru avoir endormi l’ours et tenté de venir le titiller dans sa tanière, qu’il a fini par réveiller ses vieux démons et surréagir comme cela était hélas fort prévisible. Et ceux qui triomphaient, après avoir balayé le communisme à l'est de l'Europe et installé un libéral-compatible, sont les mêmes qui aujourd’hui accusent Poutine de tous les maux. De la guerre froide ils nous ont précipité vers ce qui n’est certes pas encore une guerre mondiale, mais au moins une paix bouillante ! |
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