J'ai préparé mon cahier, mon crayon - bien affûté - et je fais ma rentrée. Ce n'est pas un événement en soie - pas même en lin, ni en rien – mais permettez que je soie zému de retrouver ceux qui, après ma chronique hors-série de la semaine dernière, m'ont envoyé un petit mot de contentement . Comme un ronronnement qui fait du bien. C'est pas la tribune de l'Équipe, ni seulement de Midi Libre, mais c'est un brin de satisfaction. Par quoi commencerais-je ? Les angles d'attaque - ou de défense, suivant que l'on est Russe ou Ukrainien - ; la rentrée de Darmanin, le retour de Ségolène, le livre de Sarko ou plus savoureusement son prochain procès, ne manqueraient pas… Mais serait-il nécessaire, voire judicieux, de balancer les missiles dès la première offensive saisonnale ? Alors, j'ai eu une meilleure idée. Ça m'arrive ! Je vous parlerais de mes vacances. Ben quoi ? C'est pas parce que nous sommes retraités, que nous n'avons pas droit à quelques instants d'évasion, de dépaysement. Parce que je sais pas si vous savez où c'est l'Aubrac, mais c'est bougrement lugubre. Et lorsque vous êtes isolés là, toute l'année, vous rêvez forcément de plages ventées, de sable dans la salade du jour et même de ce beau soleil écrasant les tours de la Baucaire et du Jonquet. N'ayant ni fessebouc, ni amstramgram, ni même ouatesape, il faut bien que je partage tout de même les meilleurs moments de l'été avec mes fol à voir – celle-là, elle est bien tirée par les cheveux ! Il n'y a peut-être que Monty qui la pigera, lui qui a déjà commis pire… Bon, certes, je ne suis pas allé vers d'autres continents à la rencontre, l'osmose même, des peuples autochtones - c' est très tendance et ça fait chic, voire intelligent - ; je n'ai pas exploré les fonds du Pacifique à la recherche des derniers coraux, ni même des piscines des grands hôtels continentaux en all inclusive ; je n'ai pas – honte sur moi - fait la tournée des musées, ni des cités antiques… Ça ne fait rien, si vous avez cinq minutes, je vais vous raconter la dernière de mes escapades estivales. Avant elle, notre passage d'une montagne à l'autre, dans le Tarn vers Arfons avec notre Doudou et sa Ninie pour un salon du livre délicieusement raté, m'avait sauté au cœur. Comme une étincelle de sentiments, de ceux qui ne s'éteignent jamais. Car même si les amitiés déclinent parfois, ce qu'elles ont gravé, demeure. Une soirée d'anniversaire où nous nous sommes invités dans le Var, à La Seyne, chez Alain mon grand et solide complice du Comité. Discussions âpres et lunaires suivant les directions, mais empreinte de tendresse et d'indulgence. Nouvelle fête, le lendemain, dans un lieu paumé accroché au mont-pas-Caume les autres. Surprise pour les quarante ans d'une chic et belle-fille - la mienne –, des larmes joyeuses et une paella - et pas ailleurs non plus - délicieuse. Soirée sous une pluie d'étoiles filantes et de sentiments fixes et forts. Dommage que dans la nuit claire se soient envolées d'insoutenables élucubrations, celles de Goldman à tue-tête. C'était nul à vomir il y a quarante ans ! A ta naissance Caroline ! Mais qu'ont donc les jeunes dans les oreilles pour n'avoir récupéré de cette époque musicalement brillante, que cette bouillie de notes et cette voix de crécelle ? Goldman et Céline Dion… Si vous en doutiez, c'est bien la fin de la civilisation que nous avait prédit le bon, que dis-je (?) le merveilleux Zemmour. Enfin ! Et puis le lendemain, les dix piges d'un de mes petits. Au bord de la piscine et toujours avec Goldman. Mais attention à ce que vous dites… c'est mon petit ! Si bien que c'est sur la barajade, ce dernier événement de l'été, que je vais m'étaler, langoureusement, comme s'il s'agissait de le retenir. Ainsi, sur une aimable suggestion de l'ami Fred et de Joëlle – eux aussi sont de La Seyne et je trouve qu'avec Alain, Gérard et Martine – qui n'y habitent certes plus – cela fait tout de même beaucoup d'amis dans un coin pourri, au point que je devrais peut-être m'en inquiéter ou consulter – nous nous sommes retrouvés au Malzieu. Encore un endroit improbable – non loin de l'Aubrac, au pied de la Margeride – mais enfin où l'on se rassure encore en préférant le son aigrelet de la cabrette à celui de Goldman. On y choisit aussi Reggiani qui aurait pu chanter « les fous sont entrés au Malzieu ». Un remake des « bêtes du Gévaudan ». Improbable et somptueux désordre dans un vieux moulin familial que la famille Arnal - héritière de Guiguite et Loulou - a baptisé la Fabrique. Ce soir-là, l'été s'apprêtait à tirer sa révérence sur nos montagnes, mais poussa l'élégance à prolonger ses douceurs vespérales jusqu'en bord de rivière. Car oui, nous avions à disposition, outre force boissons, un joli morceau de Truyère - sans les trous - qui, elle aussi, s'étale langoureusement dans son lit tout au long du Malzieu. Si vous trouvez que je force un peu la note, question calembour, c'est que j'approche de mon sujet de prédilection. Voici en effet des années maintenant que mon poto Fred, me met l'eau à la bouche en me parlant d'un type, à mes yeux - comme à ceux du Malzieu - mythique. Celui qu'il appelle « parrain », c'est Christian Montaignac… Je devine un silence interrogatif. Ne me dites pas que vous ignorez qui est Christian Montaignac ! Le plus grand chroniqueur que l'Équipe ait connu, avec Blondin évidemment. Et c'est là où forcément je vais vous parler de moâ - comme l'écrivent tous les égocentriques craignant d'être démasqués -. Lorsque, aux prises avec mes passions de l'écriture et du rugby, je décide de me lancer dans l'aventure journalistique, je me metezs à feuilleter l'Equipe - que je ne lisais jamais car j'avais déjà horreur du sport -. Et là je tombe sur ces chroniques Montaignesques vertigineuses, les plus improbables, déjantées, géniales qui se peuvent imaginer. Alors sans jamais plagier – encore l'une de ces malhonnêtetés professionnelles que je redoute et combats toujours – je me suis dit : « Je serai Montaignac, ou je ne serai pas ! ». Vous qui ne l'avez jamais lu, devez penser : c'était moins risqué qu'avec Chateaubriand !!! Alors quarante et quelques années plus loin, voici le bilan : je n'ai jamais pris le maillot à pois et Montaignac reste un sommet inatteignable. Hors catégorie. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai fini en Aubrac, où des abrutis persistent à penser que ce n'est pas une vraie montagne. Mais ça me va bien. De toute façon si je m'étais astreint à sucer la roue de ce Bahamontes de la syntaxe, coller au maillot de ce Jo Maso de l'allitération, où tenter de tâcler ce Platini de l'hyperbole, j'aurai fini par perdre les pédales, sans dent, sur les rotules. Passons ! Le rapport entre ce fameux chroniqueur - il l'est encore, malgré son âge avancé et je ne sais s'il marche aux pilules bleues ou au perroquet, mais il l'est bien plus que moi – et le Malzieu, c'est qu'en puisant sa Briscou au fond de ce trou Lozérien, il a pêché gros et s'est attiré un banc de polissons à sa mesure. Je ne crois pas me tromper en avançant que les "50 ans de Folitude" qu'ils ont célébré avec la sortie du plus beau bouquin - de générosité, de jouissance et d'extravagance - que j'aie jamais tenu entre mes mains, n'auraient jamais été ce qu'elles devinrent sans le maître des journalistes, citoyen d'honneur de Pézenas et chantre de la haute Lozère. J’en parlerai peu, parce que j’ai pris le convoi exceptionnel en route. Mais tout ce que m’avait raconté Fred, ce que je découvrais dans cet immense ouvrage, ne me parut rien, en rapport de ce que je ressentis le temps d’un pique-nique bien arrosé et d’une ou deux chansons mûries en cave. Je me trouvais dans une sorte de cercle de poètes certes disparus, mais sans cesse en quête de renaissance. Y parvenant fort bien. Monty décora Laurette de la plus haute distinction : un truc en plumes roses et d’une dose déraisonnable d’affection. Il manquait juste Magagnosc. On fera mieux la prochaine fois. Merci Frédo. A la nôtre et remettez-nous ça * ! *Formule hautement Montaignesque
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