mardi 3 janvier 2023

 

Mercredi 4 janvier 2023




On ne changera rien sans radicalité

Parfois il m’arrive de regretter de n’avoir pas été philosophe ! Autant je ne les trouve pas forcément agréables, ni enviables, rarement marrants, autant l’exercice en lui-même me transporte et me fascine. Sans doute parce que j’aurais aimé pouvoir faire autorité intellectuellement sans jamais me soucier de clarté, de cohérence, ni même de l’adhésion de mes contemporains. Parce que ce serait moi qui aurait su et que les autres n’auraient eu qu’à suivre ou se taire.

Vous êtes vous seulement demandés, bande de béotiens, ce que serait devenu l’humanité sans la philosophie ? Peut-être serions nous toujours sans godasses, ni prothèses dentaires, encore en difficulté avec le feu et ne parlons même pas de la... lumière. Bien sûr, je persifle parce que je sais bien qu’elle ne peut pas tout la philosophie et, contrairement aux érudits et plus encore à ceux qui se prétendent tels, elle constitue essentiellement une discipline improductive et roborative. Où les agrégés, maîtres et doctorants se mordent tous la queue, se prennent la tête, se contredisent avec une profonde éloquence et une parfaite satisfaction de soi. De leur entre-soi.

Lorsqu’on les lit - pour ceux qui en ont l’estimable capacité - ou les écoute - je parle des survivants Lévy, Ferry, Onfray et toute cette bande de peintres abstraits - ils nous donnent tous l’illusion de disposer d’une appréhension supérieure du monde. Mais enfin ! pensez-vous que Socrate, avec ses grands airs de marbre poli, auraient anticipé la crise climatique, conduisant Méribel à fermer sa station en pleines vacances de fin d’année ? Remarquez, le Pinocchio de la République, instruit lui-même par l’insipide Paul Ricoeur, ne l’avait pas prévue non plus, alors qu’elle se produisait à la pointe de son nez.

Non, je ne vais pas vous parler de philosophie, ni aujourd’hui ni plus tard, je ne suis pas apte, ni accrédité à le faire. Et puis contrairement à ses pratiquants, je ne vois aucun intérêt à débiter des théorèmes ou balivernes, qu’ils sont les seuls à comprendre. Il y a une sorte de consanguinité qui augure mal de leur descendance. Mais c’est leur problème.

A l’origine de ce délire, que chacun aura surmonté et digéré je l’espère - mais aussi que Jean-Claude Grosse saura me pardonner - il y a une réflexion ouverte en débat ce matin à 10 heures sur France Culture. Je n’ai pas pu tout suivre, car mes poules exigeaient quelques soins… Il y était question de radicalité en politique et du rôle que pouvait tenir dans ce cadre-là, les philosophes. On s’est retourné et on n’a vu personne capable de se hisser à ce niveau d’engagement et de responsabilité, pour légitimer un combat radical susceptible de combattre le consensus, l’immobilité et la compromission érigée par Macron et sa bande, comme un art, mais aussi comme un rempart.

Alors se tenant aux côtés de Primo Levi qui après les horreurs du nazisme, décrivait «  la honte d’être un homme », j’ai retrouvé Deleuze. Enfin quand je dis retrouvé, je parle de sa pensée car le malheureux - et nous avec – ne peut plus rien y faire, depuis bientôt vingt ans.

Et c’est dommage car dans mes lectures verticales, je n’ai jamais rien lu qui me donne mieux le courage de penser ce que je pense, c’est à dire que la soumission – soit par peur, soit par intérêt, donc toujours par faiblesse – demeure la plus vile des postures et que la quête de fraternité, de solidarité que l’on pourrait aussi désigner sous ce vocable merveilleux d’altérité, est la seule qui vaille. Et que la vaillance autant que la vigilance de nos âmes, voudraient que nous nous soulevions tous aujourd’hui pour renverser l’ordre établi de la destruction mondialisée organisée par la société libérale et défendue militairement par l’OTAN américaine - pour faire bref et succinct, je vous l’accorde-.

De l’oppression Nazie - dont son frère fut l’un des martyrs - à mai 68, en passant par la violation des droits de l’homme en prison, l’indigne traitement du peuple palestinien et jusqu’à la complicité de crimes de guerre en Irak, Gilles Deleuze souvent relayé par Michel Foucault et Félix Guattari, fut l’un de ces philosophes combattants qui auraient probablement appelé, ce soir, à l’insurrection.

Parce que les trois ne dissociaient jamais la condition humaine de la protection nourricière, maternelle et même fraternelle de la nature. Sans doute ont-ils aussi échoué en leur temps à peser sur le siècle du marché, des profits, de la finance et de la décadence des principes humains. Nous devrions nous revendiquer de leurs combats écosophiques pour organiser la fameuse rébellion, ne reposant actuellement que sur les quelques militants radicaux que l’on marginalise et traitons de pauvres fous.

Les décideurs d’hier, les gouvernants d’aujourd’hui et ceux qui convoitent encore de presser le pauvre citron sur lequel nous régressons et dépérissons à vue d'œil, devraient rendre des comptes. Leur méfaits sur terre, l’exploitation indécente qu’ils en font encore, leur complicité dans la disparition des espèces, l’extermination de populations privées d’eau et de nourriture, la grande pauvreté constatée partout dans le monde, y compris en France, en font des coupables à bien plus grande échelle que ces terroristes sur lesquels on s’acharne et s’appesantit pour faire trembler dans les chaumières tous les petits bourgeois qui ne regardent jamais au-delà de la ligne bleue de leur piscine privative .

La radicalité consiste à prendre ce pouvoir qu’ils ne lâcheront jamais d’eux-mêmes. Ce n’est nullement une folie, c’est un devoir. Un impératif . Une urgence.

Comme je l’écris souvent : reste plus qu’à y aller ! Et pour le reste, si quelques-uns d’entre vous ont seulement pu se marrer, c’est au moins ça... *

* Ceux qui n’ont rien trouvé d’amusant dans cette chronique qu'ils jugent trop sérieuse, sont invités à la relire plus lentement et mieux concentrés !

Lorsque je parle de radicalité, cela n’a rien à voir - je le précise pour ceux dont la culture politique n’aurait pas dépassé le niveau de Roselyne Bachelot et Renaud Muselier – avec les Radicaux, dit de gauche, par exemple. Avec Baylet et naguère Tapie, le mot et surtout l'esprit, Radical, n’ont jamais été aussi galvaudés, malmenés, usurpés. On peut se souvenir que Gambetta, Clemenceau, Herriot et Jean Zay furent de grandes figures de ce mouvement ancré et agissant à gauche.  

 

C’est ce que dénonçait déjà Saint Augustin (Algérie : 430 ap JC) :

« A force de tout voir, on finit par tout supporter…

A force de tout supporter, on finit par tout tolérer…

A force de tout tolérer, on finit par tout accepter…

A force de tout accepter, on finit par tout approuver »

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