Jeudi 15 décembre
Il est pile vingt heures et je pense à vous, qui passez tranquillement à table, qui avez attendu ce soir pour aller voir un bon film -mais si, mais si, y en a, ne soyez pas toujours négatifs, merde à la fin ! - mieux encore, qui ouvrez un bon livre, ou carrément le lit. D’ailleurs à ce propos, j’ai une nouvelle recette par laquelle vous pouvez concilier les deux. Il vous suffit d’entrer dans votre plumard et d’ouvrir Proust. En principe, vous croyez que vous lisez toujours, mais cela fait un bon quart d’heure que vous roupillez. Je vous en parle d’expérience – et vous en retoucherai sans doute un mot –, avec Du côté de chez Swann, vous pouvez arrêter sur le champ le lexomil et le zolpidem. Quant au remboursement par la Sécu, on se demande bien ce qu’ils attendent ! D’autant que je reste persuadé que MM Gallimard et Flammarion seraient parfaitement capables de verser des pots de vin, au même titre que MM Sanofi et Pfizer... Je ne dis pas que tous les gens qui regardent le football d’une manière générale et au Qatar en particulier sont des tarés - quoique ! - mais en revanche tous les tarés sont devant leur téloche. Souhaitant se justifier, un ancien lecteur de cette chronique me faisait remarquer, non sans virulence d’ailleurs, que la leçon de morale des tristes vertueux, des Amishs comme dirait l’autre (...), je pouvais me les mettre là où il pensait. Il se sentait fort, en m’expliquant qu’ils étaient douze millions pour suivre le premier match des Français contre l’Australie, à s’être installés devant leur poste. Pour y voir 22 demeurés tapant dans un ballon en essayant de l’envoyer dans le but d’en-face. C’est tellement affligeant d’inconséquence, que l’on pourrait en rester sans voix… Oui, mais rassurez vous, pas moi ! Donc, parce qu’ils seraient 15 millions à s’abrutir face au néant, il faudrait qu’ils aient raison. Mais c’est que la raison, Monsieur, elle ne s’évalue pas aussi prosaïquement. Ni statistiquement. Pas plus que la démocratie d’ailleurs. Ainsi au premier tour des élections présidentielles, treize millions de français se sont abstenus. Ceux, pour la plupart, qui avaient tout intérêt à courir vers les urnes pour que les choses – à commencer par leur propre situation - changent. Alors ces foules qui ne déplacent même pas pour choisir ceux qui les gouvernent - et seraient pourtant susceptibles d’améliorer leur vie - et qui restent toujours assis dans le même canapé pour éructer devant des milliardaires improductifs, cela ne m’impressionne vraiment pas. Et que l’on ne me parle pas du fumeux lien social qu’induirait un tel sport. Y a qu’a voir comment il se manifeste dans les stades, les rues, les bars et parfois à l'intérieur même des foyers ! Il faut admettre, je dirais tout de même à leur décharge, qu’avec un président qui fait « la bise » à M’Pape (de l’amour fou, de l’amour sincère, vous n’en doutez évidemment pas !) et qui se déplace personnellement lui-même pour joindre les mains et faire de la génuflexion face à d’immondes tyrans en turbans, ça ne peut donner d’autres résultats que cette forme d’allégeance, panurgique et pitoyable, au Dieu-ballon. Le football, c’est vraiment de la merde, mais ce ne serait rien, si cela ne devenait la nourriture spirituelle d’une bonne partie de ce fichu peuple. Mais attention quand je parle du football, je pense à cet immense business mondialisé, par lequel on couvre de colossales fortunes, de jeunes gens formatés dont beaucoup auraient fini à la rue ou au gnouf, s’ils n’avaient pas trouvé un ballon dans lequel taper. Car pour le reste, la pratique d’un jeu éducatif et collectif - mieux vaut choisir le rugby mais c’est un peu subjectif – n’a a contrario, rien de malsain. Je n’ai tellement rien contre le foot, que lorsque j’y jouais à l’école, en colo, puis plus tard avec les copains, je n’étais pas si mauvais. Il me semble même que j’avais plus de dispositions qu’au rugby – un cauchemar ! - Si ce n’était que moi, au même titre que la lecture et les activités d’éveil culturel et artistique, je rendrais le sport obligatoire. Entendez par obligatoire, une pratique systématique, systémique même, qui ferait que les gamins jusqu’à leur majorité, par exemple, se rendraient au stade, au gymnase, à la piscine, sur les greens - non je déconne !-, comme ils vont à l’école le matin. La finalité de cette activité ludique quotidienne, consisterait à sortir l’humanité de l’oisiveté, de la facilité dans lesquels les technologies modernes et les réseaux les ont enferrés. Elle développerait aussi bien leur sociabilité, que leur équilibre psychique, renforcerait leur santé . Non seulement sur un plan individuels, mais éminemment collectif. On ne partirait plus à la chasse aux médailles, encore moins au pognon, mais au bien-être. Puisque ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, ce qui prime dans une existence, ce n’est ni la puissance, ni l’argent, ni la réussite, mais le bien-être ! Il ne suffit donc plus, à partir de ce précepte sur lequel nous sommes unanimes, que de convaincre quelques millions de Français qui ont encore du maquillage bleu-blanc-rouge sur les joues, des tâches de bière sur le falzar et des cacahuètes dans les dents. |
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