mercredi 21 décembre 2022

 

22 décembre 2022




Ces galeux de cheminots

Avec celle de la sincérité, de l’humanité, c’est la voie ferrée, que j’ai toujours aimé suivre. Je dois tenir cela un peu de mon père. Il cultivait aussi cette passion, peut-être parce qu’à Graulhet, nous étions privés de gare. Mon père, qui avait une jambe raide, ne pouvait pas s’asseoir par terre, sans quoi - même si cela ne se faisait guère de ce temps-là - je crois bien qu’il aurait joué au train électrique avec moi. En tout cas, j'aime cette idée.
La voie ferrée, je l’ai suivie aussi dans nombre de mes déplacements militaires, puis professionnels. La nuit. Sur des banquettes inconfortables. Vers Brest et Lorient. Puis, un peu plus tard sur des lits de 1e classe, plus supportables. Destination Pau (chez Nadau), Bayonne, Dax, Bordeaux, La Rochelle, Paris, j’en passe.

Je ne dormais pas souvent, pas beaucoup en tout cas. Moi qui ne supporte personne, dormir avec n’importe qui… Alors, bercé par ce roulis, ce tangage, ce mouvement presque rotatif qui vous secoue gentiment dans tous les sens, j’écoutais comme dans un état second, ces portes de toilettes claquer, ces bruits de clés du contrôleur sur le carreau et cette voix suave, en pleine nuit qui approchaient : « contrôle ses billets ». La lumière dans les yeux et puis le retour au calme. Calme tout relatif, lorsque chaque traverse reproduit le même frottement des rails et leurs traverses sur les roues de fer : toque-toc toque-toc, toque-toc (j'sais pas si je le fais bien !). Il y avait quelque chose d’étrange et de sensuel à cette traversée des territoires imaginés, ainsi couché dans un convoi filant dans la nuit, comme attiré par les étoiles ou fonçant dans le brouillard, transperçant un épais rideau de pluie.

Je pourrais vous en faire tout un récit, de ce souffle et son cri strident, affolant si l’on n’y prend garde, lorsque deux trains se croisent à plein régime, de la neige agglutinée sur le ballast qui vient heurter le pont à grands fracas, des gouttes frappant les longues baies vitrées et courant sur elles, des grincements de freins portés par leur écho lors des entrées en gare, des annonces étouffées de correspondances, se concluant dans la profondeur du silence des voyageurs installés, par  : attention au départ…

Je pourrais vous en faire même quelques pages, dans le compartiment voisin d’Agatha Christie, Ernest Hemingway ou Vladimir Fedorovski… mais là n’est pas la question. Ce sont deux infos, parmi tant d’autres, insupportables, qui m’ont lancé sur le sujet à grande vitesse. D’abord, Olivier Véran, qui nous avait lâché la grappe avec son COVID et n’a pas tardé à nous la ressaisir, à tort et à travers, depuis qu’il est ministre de tout et de rien. Avec toujours cette façon de s’adresser aux gens avec arrogance, surtout s’ils s’aventurent à sortir du troupeau. De les prendre de haut, donneur de leçon, suffisant et péremptoire : «  A Noël on ne fait par la grève, on fait la trêve. »

Oui, parce que le ministre-individu et ses insupportables comparses, voient bien ici l’opportunité de rallier quelques électeurs sur le dos des cheminots. Taper sur les fonctionnaires, demeure l’un des meilleurs moyens de se mettre dans la poche tous ceux qui ne le sont pas. Si ça, ce n’est pas du populisme ! Et la droite est la grande spécialiste de cette stigmatisation de l’agent d'État, elle peut en être fière ! Véran encore davantage qui, avant de se révéler, à l’instar de son ami Castaner,  fit longtemps croire qu’il était de gauche !

Sans m‘engager plus avant sur ce qu’il pourrait advenir des premiers mois de 2023, je me permets de rappeler à la cantonade, que cette façon de s’adresser au peuple, de le mépriser, de le fustiger, nous a valu la Révolution de 1789 et l’avènement de la République…. Laquelle aurait bien besoin de retrouver un sens. Et des vertus. Je n’en dirai pas plus !

C’est triste, cela me met hors de moi, mais effectivement, un sondage certes peu significatif - car commandé par le très droitier site infos d’Orange -, indique que 80 % des Français ne comprennent pas cette grève. Remarquez, même si on leur expliquait la désintégration de ce service public de référence, la maltraitance et la paupérisation dont sont victimes les personnels, menacés par ce démantèlement et cette spoliation, toujours au profit du privé, je ne sais pas s’ils consentiraient le moindre  effort de comprendre, voire même d’écouter.

Noël, toujours Noël ; la magie de Noël et surtout le nombril éclairé par leur propre illumination ! Cela me rappelle un autre chant, celui de Renaud dans sa belle période d’insoumission : « J’aimerais qu’ils crèvent tous, étouffés de dinde au marron... »

Donc outre le fait que le pouvoir est en train de fragmenter la SNCF pour qu’il n’en reste que des morceaux privatisés, grâce auxquels les mouvements sociaux unitaires deviendront impossibles, ce sont tous les avantages, primes, salaires, retraites qui sont rognés. Comme si Macron voulait se venger et venger ses prédécesseurs de la résistance menée par tous les cheminots depuis Zola !

Comme on n’y connaît rien et qu’on ne veut surtout pas savoir, on fait passer les cheminots pour des nantis. Ces mécaniciens qui touchent sur les lignes TGV autour de 3000 € - certes -, mais aussi ces contrôleurs à 2 000, ces aiguilleurs et autres agents qui sont à 1500 et parfois moins. Ces femmes et ces hommes qui roulent la nuit, les week-end, jours fériés, vacances scolaires, se gèlent les couilles (surtout ces derniers) sur les voies en maintenance et autres urgences.

Non mais vous y croyez, vous, à ces salariés du privés , endimanchés dans leurs jolis bureaux, leurs boutiques, leurs banques et startups, qui ont le culot d’insulter les travailleurs qui se battent encore pour sauver leur gamelle, éventuellement même leur dignité ?

Savent-ils, tous ces mollusques bien accrochés aux rochers du système libéral, que dans l’aviation civile,  pour ne prendre qu’elle, les pilotes de lignes gagnent entre trois et sept fois plus que ceux des trains, alors qu’ils sont bien souvent trois dans le cockpit  Seulement voilà dans ce beau pays de pleutres et de décérébrés, on préfère toujours s’en prendre à celui d'en-bas, surtout s’il vous empêche de mener tranquillement votre vie exaltante de petit bourgeois. Et tant pis si la sienne ne l’est pas.

Voyez aussi, le roi du pétrole, Mac Macron 2. En trois jours - et ce sont sont ces alliés du Point qui le révèlent - il a dépensé pour aller faire le mariole chez ses copains corrupteurs du Qatar, la bagatelle de 500 000 euros, soit l’équivalent de 35 ans d’un SMIC. Et brûlé, de jets privés en berlines interminables, 480 tonnes de CO2  ! Soit l’équivalent de 53 ans d’empreinte carbone d’un citoyen lambda .

Et ça vous croyez qu’ils le comprennent, les Français  ?

 



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