31 - UN PETIT BOUT DE FEMME POUR CHANGER D'ÈRE - Faut bien l'avouer on a failli s'emmerder ferme dans cette future campagne présidentielle ! Certes la vulgarité, incarnée dans tout son éclat par Saint-Emmanuel-les-mains-jointes, offre quelques distractions. Elle ne manquera d'ailleurs pas d'éclabousser l'ensemble du spectre partisan, mais sur le fond, entre ceux qui n'ont que le pognon en tête et ceux qui ne jurent que par la nation, que de redondances et de vieux débats surannés !
Outre le fait de désigner la candidate unique de la gauche par les citoyens, la Primaire Populaire vient de réaliser l'exploit de faire émerger une toute petite bonne femme qui m'a tout l'air d'une grande dame. Elle est donc d'un sexe non conventionnel pour diriger une France patriarcale et rétrograde, noire dans un pays qui conserve au fond de ses gènes une marque profonde de racisme, mais aussi fort âgée (70 ans demain !)
Et je vous annonce - mais avez-vous vraiment besoin de moi pour l'envisager ? - qu'elle va se retrouver là, au milieu d'un champ de tir, cible privilégiée de toutes les droites haineuses et des vieilles gauches amères. Qui sera le plus odieux : le nostalgique de Vichy ou l'hystérique à poil gris, la Marine sabordée ou la danseuse de la finance ?
Ils vont pouvoir s'en donner à coeur joie, qu'ils y aillent, la vieille à la peau dure ! Et en parlant de vieille, il me semble que parmi ses principaux atouts, Christiane Taubira a l'heur de plaire aux jeunes. Ces quinze-vingt ans saturés de discours libéraux où l'on ne soucie que de dividendes, de rentabilité, d'allongement du temps de travail, de premiers de cordée et de startup néchion.
Ça y est, le mouvement de balancier est peut-être amorcé. C'est que ces gamins, les audi 4X4, les voyages à l'autre bout du monde et les stations des Alpes, ça ne les fait plus bien fantasmer. Leur rêve à eux peut-être, c'est dans vingt ou trente ans, de disposer d'un peu d'eau pour se doucher, de canards dans une mare et le chant des oiseaux dans la forêt. Leur idéal pourrait se traduire dans les urnes par un grand bol d'air frais de modernité ... en reculant d'un siècle dans nos modes de vie et nos états d'esprit.
Voilà ce qu'ils voudront entendre ces jeunes et si Madame Taubira s'y engage, ils vont la croire parce qu'en attendant les actes, elle, au moins, à des accents de sincérité. Ce matin encore je lisais dans un grand éclat de rire, un truc sur les "Jeunes avec Macron" ! Comment un jeune, à moins de sortir des écoles nuisibles de commerce, pourrait-il soutenir ou seulement partager quoi que ce soit avec un petit banquier torve et arriviste ?
Je persiste à croire - et y suis conforté par l'impressionnante liste des gens qui traversent avec moi - que Christiane Taubira peut-être l'énorme surprise du mois d'avril. Aussi bien parce qu'elle trouvera une électorat dynamique et communicatif, que parce qu'elle amènera aux urnes des citoyens qui ne s'en approchaient plus, que parce qu'enfin elle parviendra à rassembler l'essentiel des verts, des socialistes modérés mais de conviction, quelques bo-bos qui trouveront que ça fait chic, mais aussi et surtout d'une gauche et d'écolos plus engagés, qui ont fini par se lasser des humeurs d'un France certes insoumise, mais surtout soumise aux caprices d'un vieux chef irascible.
Quant à ceux qui s'amusent de Macronique mais s'inquiètent de me voir si inconditionnellement Taubirisé qu'ils se rassurent. Je ne suis pas tombé dans le culte de la personnalité, l'emballement messianique, la déification de l'être élu(e). Ma ligne reste la même : ni Dieu, ni maître et ma vigilance sera la seule exception extrême dans mon soutien.
Je ne vais pas revenir sur le passé de Cricri - vous permettez que je l'appelle Cricri ? - Tapie, Baylet, Balladur, tout ça ! D'ailleurs si j'avais l'occasion de la rencontrer, je ne lui demanderais pas comment elle s'y prend pour avoir toujours les tresses tirées à quatre épingles, mais que diable allait-elle faire avec des bordilles pareilles ? Donc, mon enthousiasme a connu ce matin un premier bémol, lorsque répondant aux questions de France Info - qui avaient bien l'intention de lui faire la peau - elle dut ramer à propos de l'énergie nucléaire. Premier hiatus dans ce long parcours qui en sera émaillé. Elle s'en est sortie par le coup du référendum d'initiative citoyenne.
Mais une femme ou un homme d'État, peut-il se permettre de s'en remettre à un référendum pour se débarrasser du sujet fondamental de l'indépendance énergétique ? J'aurais préféré qu'elle concède courageusement : " Mes jeunes soutiens sont opposés au nucléaire, je vais voir avec eux jusqu'à quel point nous pouvons rapprocher nos positions. " En sachant, ma Crircri, que l'avenir n'est plus à la consommation de l'énergie, mais à la sobriété. Il y a entre l'évolution technologique et la conscience humaine de belles marges d'économies.
Je l'ai aussi entendue parler du pouvoir d'achat des Français ! elle entrait déjà dans l'inévitable cirque démagogique où les candidats promettront n'importe quoi. Il y a en France plus de trente pour cent de gens qui ne savent que faire de leur fric, tandis que trente pour cent n'en ont pas assez pour vivre décemment. L'urgence est à un rééquilibrage des revenus et vous verriez que si les riches possédaient beaucoup moins, la planète s'en porterait aussi beaucoup mieux. Je l'attends encore sur un nécessaire retour à la frugalité, la décroissance, je l'attends enfin sur la solidarité avec les peuples qui nous entourent.
Et qu'elle veuille sauver la peau des pauvres femmes battues, défendre les droits des trans et de tout ce qu'elle veut, c'est très bien, mais ce n'est pas l'essentiel. Ce que l'on attend d'un futur respirable c'est plus d'harmonie, de fraternité, d'humanité. Sans distinction de race ni de sexe ! Je reconnais enfin que notre nouvelle passionaria n'est pas obligée d'effrayer systématiquement l'électeur... L'essentiel, c'est ce qu'elle ferait après !
Ce dont je suis heureux pour conclure, c'est de pouvoir soutenir une femme cultivée, rayonnante et sensible. Cela nous élève un peu et nous change de l'ectoplasme de 2012 et du minable comptable de 2017.
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