11.- MIEUX VAUT UN FRIGO PLEIN CHEZ LE PAUVRE QU'UN FRIGO CONNECTÉ CHEZ LE RICHE ! - Ma satisfaction d'adhérer à la Primaire Populaire est de deux ordres. Je voudrais d'abord commencer par le premier. Ce qui, vous en conviendrez, semble assez cohérent. Certes ce n'est pas forcément l'essentiel pour l'avenir de notre pays et surtout la reconquête de cette société en déshérence par un mouvement de fond humanisme, mais il s'agit d'un plaisir très personnel.
J'avais, jusqu'alors et depuis quelques années déjà en perdant des cheveux - perte heureusement compensée par l'arrivée des rides -, le mal être de sombrer dans cet âge que l'on dit troisième et qui finalement s'avère aussi con que les deux premiers. Toutefois la sémantique new wave qui sévissait il y a peu encore - avant que le woke ne ravage tout -, faite d'euphémisation et de préciosité, avait transformé les vieux croûtons du troisième rang en seniors. A soixante et quelques ballets nous sommes devenus des seniors, c'est vous dire si l'on s'est de suite figuré beaucoup plus jeune et en forme.
N'empêche, je sentais bien que je devenais sacrément réactionnaire. Un inconfort d'autant plus désagréable que, contrairement à la plupart de ceux qui le deviennent - et sachez que ceux qui prétendent y échapper sont de sacré faux culs, ou des macronistes si vous aimez mieux ! - , j'en ai eu de suite pleine conscience. Les gens qui n'en ont pas - de conscience, évidemment ! - ne savent pas la chance qu'ils ont ! Ils peuvent, sans vergogne, tenir des propos abjects, déraisonner, emmerder, mentir, tricher, négliger la nature, méconnaître l'art, être dépourvus d'humanité et s'en trouver bien. Très bien même et pourquoi en serait-il autrement ?
Alors oui, c'est vrai que je le suis, réac ! Et le fait que je sois très ancré à gauche n'atténue rien, bien au contraire puisque, se situant dans ce camp-là, on se prétend le plus souvent progressiste.
Tu oses affirmer, mon pauvre Jaco, que c'était mieux avant ?
Oui et pas qu'un peu, mon neveu ! Avant, les trains n'arrivaient pas à l'heure, mais ils circulaient partout. Les postières avaient du poil sous les bras mais les bureaux étaient ouverts. Les gosses étaient déjà bruyants mais les écoles publiques ne fermaient pas dans les villages. Et lorsqu'ils rentraient à la maison, leur maman avait préparé des tartines, des crêpes à la chandeleur plutôt que de courir dans les embouteillages pour ramener le salaire de leur droit à l'égalité... d'en chier et de consommer ! Dans les foyers, il y avait un frigo, une machine à laver, un poêle pour se chauffer et une poêle pour cuisiner. Le soir, on regardait l'une des trois chaînes, des infos, des jeux, un film, c'était réducteur, mais il y avait aussi un journal sur la table, un échiquier et des livres sur les étagères. Le pain n'était pas rond avec des graines de sésame dessus, mais allongé et croustillant. Le lait était entier. Les os solides. Les eaux pures. Et ce n'est pas George Clooney qui vendait le café mais le torréfacteur du coin. Quant au pied du sapin, il n'était pas encombré de dizaines de jouets commandés tous azimuts à un père noël made in China. Désormais si vous ne dépensez pas des fortunes en cadeaux pour vos enfants, c'est que vous ne les aimez pas...
Était-on plus heureux avant cette déferlante de jeux vidéos, cette hystérie de smartphones et cette sombre histoire d'objets connectés ? Même dans les foyers les plus modestes où l'on travaillait plus pour gagner moins, je suis en mesure d'oser répondre oui. Cent fois oui !
Mais alors Jaco, tu n'as pas honte ?
Non, mais enfin c'est là que je me sens un peu soulagé d'être entré dans la grande famille de la Primaire Populaire. Parce que je sens bien venir aussi tomber le couperet des jeunistes m'accusant de vivre dans la passé et d'attiser la guerre des générations. Y en a même un - libraire de son état et content de lui ! - qui m'accusa un jour d’être contre Saint-Emmanuel-les-mains-jointes justement parce que c'était un jeune président. En voilà un qui fera un vrai vieux con, vu qu'il s'y prend tôt !
La Primaire Populaire, que ce soit clair, elle aurait été initiée par deux croûtons issus du Front populaire, de 68, du Larzac ou du Programme commun, je l'aurais suivie pareil. Mais il se trouve que ce sont des tout nouveaux venus en politique, issus des mouvements écologique, humanitaire et de l'entreprise solidaire qui en ont eu l'idée, le courage, peut-être bien aussi, le mérite et le succès !
Mathilde Imer (32 ans), Samuel Grzybowski (29 ans) en sont les porte-paroles, mais sont entourés d'une flopée de gamin d'une vingtaine d'année qui dans les banlieues, les universités, les places publiques, se dévouent pour convaincre les populations muettes, résignées et parfois absentes qu'un autre monde est possible. Et que s'il n'est pas question d'interdire les robots ménagers et les montres connectées, cela reste dérisoire au regard d'autres priorités : retrouver le sens de l'humain, le goût de la fraternité. Respirer, échanger, exister... Respecter la nature et l'humanité... Alors ça je sais pas si c'est un truc de vieux clou, mais je remercie infiniment ces jeunes de l'avoir remis au goût du jour.
Avec mes petits moyens je les ai aidés et les aiderai si tout va bien. Mais c'est surtout par ma plume et mon cœur que je leur pousse au cul, pour que jamais ils n'aient l'idée de s'arrêter. L'élection présidentielle est une étape. Ces gamins doivent garder la main et veiller à ce que par la base, toutes les générations puissent décider de ce qui leur semble utile pour le présent autant que - et plus encore - pour l'avenir.
Parmi les trois cent mille soutiens, je ne suis évidemment pas le seul vieux et parmi eux quelques gens célèbres et sûrement fiables : Anne Hessel, Jean Jouzel, Laurence Tubiana, Noël Mamère, Cyril Dion, Juliette Binoche, Charles Berling... Un peu de tout, parfois plus très frais, mais que du bon…
Et la deuxième raison pour laquelle je me suis engagé avec bonheur, c'est évidemment l'originalité de la démarche, l'ambition de recréer un mouvement populaire au sens le plus noble et de choisir celui qui correspond le mieux à nos valeurs. Mais je n'ai plus de place, alors je reviendrai dans deux jours vous expliquer pourquoi ce mouvement déclenche un immense espoir... et pas que pour la gauche !
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