9.- McDo A CONQUIS L'AUBRAC - Ce n'est pas la moindre de mes tares, j'ai souvent tendance - et le regrette - à prédire le mauvais. Ainsi ferais-je une piètre cartomancienne, un médiocre bonimenteur. Impossible également de me lancer en politique tant il est aussi essentiel d'embellir l'avenir que de mentir sur l'instant.
Bref, je l'avais annoncé, mais tout de même sur le ton de la plaisanterie : "vous verrez qu' un jour ils nous colleront un McDo sur l'Aubrac !" D'ailleurs ce jour n'était pas si loin, puisque voilà, c'est fait, grâce à l'impensable passivité des habitants, l'empoisonneur américain est installé à Espalion, près de l'enseigne Super U. Je crois que cela mérite un ban, que dis-je une standing ovation au maire Eric Picard qui, avec nom pareil ne doit être effrayé ni par les produits congelés, ni désormais, par la bouffe frelatée. Apparemment il se dit fier d'avoir favorisé cette implantation. Il a bien raison, y a de quoi !
Bien que n'ayant guère envie de lui donner plus d'importance qu'il ne mérite, je ne résiste pas au plaisir de vous soumettre l'argumentation de l'élu publiée dans Centre Presse le 20 octobre : " Il ne faut pas mettre en opposition Aubrac et McDonald's. Aujourd'hui McDo est un repère. On peut être contre, mais on ne refera pas le monde. Il faut accepter ce changement. Si on ne tient pas compte de ce changement, on se prépare à mourir." Voilà bien encore un homme de convictions doublé d'un grand Résistant !
Bon certes, si vous êtes doués en géographie, vous m'objecterez qu'Espalion n'est pas sur le massif de l'Aubrac mais dans la vallée du Lot, mille mètres en dessous. Certes mais enfin pour des raisons probablement de stratégie économique, Espalion a tout de même été intégré au périmètre du Parc Naturel Régional. Lequel, cher à André Valadier et désormais à Bernard Bastide, aurait pu servir de garde-fou, protecteur du bon goût. Lequel n'est nullement antinomique de l'agropastoralisme - bien au contraire - ni d'une certaine conception du tourisme. On aurait même pu imaginer que le PNR, soutenu par les collectivités territoriales, parraine une concept de restauration aubracienne plus particulièrement dédié aux jeunes, où le pavé de bœuf et la saucisse-aligot auraient été vendus en barquette, y compris selon la mode absurde mais néanmoins très prisée du drive. En évitant seulement le ketchup.
Seulement vous comprenez, ce n'est pas tellement que Monsieur le maire et ses alliés politiques libéraux, adorateurs de Saint-Emmanuel-les-mains-jointes, tiennent absolument à vendre de la merde en cornet et entre deux immondes tranches boursouflées, non, ce qui leur plaît à ces gens-là, c'est de faire un maximum de pognon avec de jeunes moutons conditionnés à la société de consommation, assortie non pas de réflexion et de conscience culturelle mais du passe sanitaire. Ainsi ce n'est pas seulement les estomacs que l'on empoisonne, c'est également les esprits.
Si j'en avais eu la force et la détermination, j'aurais été de ces manifestants qui ont tenu la zone durant deux ans, avant d'être renversés par les bulldozers du système et d'une société faisant fi de ses terroirs et de ses sensibilités pour tout niveler à la seule épaisseur d'une carte bleue. Il y a trente ans, José Bové, dans le même département mais au pied des Causses cette fois, avait eu le courage et la capacité à mobiliser suffisamment de militants pour aller démonter l'édifice dégoûtant.
On peut d'ailleurs regretter que le député européen n'ait pas jugé nécessaire cette fois de mettre le bleu de chauffe ou, à tout le moins, de lever le poing. Pas même le petit doigt. A croire que le berger du Larzac s'est embourgeoisé dans la fréquentation des salons bruxellois.
Voilà, ne reste plus qu'une monstruosité à l'entrée d'Espalion. Esthétiquement et sociologiquement. Et on n'a nullement besoin d'y entrer et de consommer pour avoir vraiment envie de dégueuler.
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