Mimi Marchand-Sarkozy : l’embarrassant coup de fil de Brigitte Macron
La femme du chef de l’État a demandé, fin juillet, à Michèle Marchand de « tenir bon » après sa sortie de prison, selon une écoute téléphonique. Tout en multipliant les critiques contre la justice, Brigitte Macron a aussi proposé à Mimi Marchand, mise en examen notamment pour « association de malfaiteurs », de prendre attache avec son chef de la sécurité en cas d’« emmerdes ».
«Il faut que tu tiennes, que tu tiennes bon. » C’est le conseil amical adressé, le 29 juillet dernier, par Brigitte Macron à Michèle Marchand, la gérante de l’agence de paparazzis Bestimage, à sa sortie de prison dans l’affaire Sarkozy/Takieddine.
Mise en examen des chefs de « subornation de témoin » et « association de malfaiteurs » pour avoir négocié la rétractation de Ziad Takieddine dans l’affaire des financements libyens de Nicolas Sarkozy, celle qu’on appelle « Mimi » avait été incarcérée, le 18 juin, pour la violation de son contrôle judiciaire. Elle est sortie de prison un mois plus tard et reste présumée innocente.
L’épouse du président de la République l’a appelée via le portable d’un tiers, le 29 juillet, à 11 h 27, pour l’assurer de son soutien, condamner le traitement de la justice à son égard, qu’elle juge « dégueulasse », et lui proposer de prendre l’attache avec son officier de sécurité en cas d’« emmerdes ».
Au passage, Brigitte Macron se solidarise avec Nicolas Sarkozy, jugeant « terrible » son traitement judiciaire dans diverses affaires.
Ce soutien, enregistré par une écoute judiciaire, a fait discrètement entrer Brigitte Macron, début septembre, dans ce dossier judiciaire sensible, d’ailleurs qualifié d’une « gravité majeure » par les juges d’instruction.
L’épouse influente du chef de l’État, dont on sait qu’elle pilote certaines opérations médiatiques de son mari, a su compter à plusieurs reprises par le passé sur les « paparazzades » de « Mimi ».
Ce 29 juillet, au téléphone, la patronne de Bestimage, qui avait même officiellement travaillé pour la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron en 2017, a d’abord remercié la première dame d’avoir « pris des nouvelles » pendant son incarcération, par l’entremise d’un ami commun.
[Nicolas Sarkozy] m’avait dit que depuis l’affaire d’Outreau, [les juges] avaient décidé d’avoir sa peau.
« Impossible de t’appeler, a déploré Brigitte Macron, à cause du téléphone bien évidemment. » « Évidemment », dit Mimi. « Comment t’as tenu ? », lui demande alors l’épouse d’Emmanuel Macron. Mimi répond : « C’était très dur, très, très dur, Brigitte. » « Ouais, c’est abominable », abonde Brigitte Macron.
Michèle Marchand raconte qu’incarcérée à la prison de Fresnes, elle avait reçu l’autorisation d’utiliser un téléphone en cellule pour appeler ses proches et l’équipe de Bestimage. « Donc, heureusement que j’ai pu travailler, tenir la boîte, dit-elle. C’est ce qui m’a tenu, tenu le moral, bien sûr. »
« Il était très emmerdé, le juge de me mettre [en détention - ndlr] mais il y avait des instructions supérieures », poursuit-elle.
« Mais ils l’ont fait pour quoi ? […] Pour que personne communique avec toi ? », questionne Brigitte Macron.
« Ils pensaient me faire craquer, répond Michèle Marchand. Mais moi, je peux pas leur raconter des choses qui n’existent pas. […] J’ai pas fait ce qu’on me reproche. Et je suis un épiphénomène dans cette histoire. »
Et Brigitte Macron de répondre : « Ben, il faut que tu tiennes, […] Que tu tiennes, que tu tiennes bon. »
La patronne de Bestimage confie à Brigitte Macron combien l’affaire touche l’entourage de Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni, avec qui elle n’a cessé d’être en relation durant toute l’opération de rétractation. Ce qui offre à Brigitte Macron le loisir de dire tout le mal qu’elle pense de la justice dans les affaires Sarkozy.
Sollicité par Mediapart, son entourage « conteste formellement que Mme Macron ait fait le moindre commentaire sur le traitement réservé par les juges à Mme Marchand, tout comme sur le sort judiciaire de M. Sarkozy ».
L’échange qui suit est pourtant explicite :
Michèle Marchand. « Ça me fait beaucoup de peine si tu veux pour Carla qui tous les jours… Parce que elle, j’ai le droit de parler avec elle. Donc elle m’appelle, elle me met des textos. “Ma Mimi, je suis tellement triste.”
Brigitte Macron. — Ah oui, elle était désolée…
Michèle Marchand. — Mais oui.
Brigitte Macron. — Parce que moi j’ai déjeuné avec elle il y a un mois, ou un mois et demi. […] Ensemble on disait c’est dégueulasse.
Michèle Marchand. — Tout ça… Tout ça, c’est contre Sarko. À un moment, il va bien falloir que ça s’arrête quand même. Je sais pas. Tu vois.
Brigitte Macron. — Mais lui il m’avait dit que depuis l’affaire d’Outreau, ils avaient décidé d’avoir sa peau.
Michèle Marchand. — Ah oui, c’est sûr.
Brigitte Macron. — À partir de l’affaire d’Outreau, il a dit qu’il fallait une suppression du juge d’instruction. Une fois, il m’en a parlé. Et à partir de ce moment-là, il m’a dit : “Ils ont décidé d’avoir ma peau.”
Michèle Marchand. — C’est terrible.
Brigitte Macron. — Ça a été terrible. Je sais même pas comment il tient.
Michèle Marchand. — Ah oui. Ah je sais pas, je te promets.
Brigitte Macron. — Il doit gérer ça depuis vachement longtemps. [...] Je sais pas comment il fait. »
Cet échange s’inscrit dans un contexte politique qui n’est pas anodin avec l’actuel ministre de la justice d’Emmanuel Macron, Éric Dupond-Moretti, qui est mis en examen précisément pour avoir utilisé les pouvoirs disciplinaires de son ministère afin d’affaiblir des magistrats anticorruption à la veille de l’un des procès de Nicolas Sarkozy.
Mais l’écoute ne s’arrête pas là. Après ce soutien moral à son amie et ses considérations sur l’action de la justice, Brigitte Macron propose à Mimi Marchand l’aide de son officier de sécurité.
Brigitte Macron. « Alors c’est pour te dire que si tu as des emmerdes et que des trucs… C’est Fabien qui…
Michèle Marchand. — D’accord, OK d’accord.
Brigitte Macron. — Tu le préviens.
Michèle Marchand. — S’il y avait quoi que ce soit, j’appelle Fabien. »
« C’est Fabien qui ira en taule », plaisante la première dame. « Mais je ne suis pas interdite de parler, ni avec toi ni avec Emmanuel », se rassure Michèle Marchand. « Je vous mettrai tous les deux en cellule, il te fera un entraînement, poursuit, en riant, Brigitte Macron. C’est lui qui est devenu le chef de ma sécurité. »
« Bon d’accord, OK, OK », conclut Michèle Marchand.
L’arrivée de cet officier de sécurité auprès de Brigitte Macron, le lieutenant Fabien, avait été rendue publique par Gala, en mars 2021, avec une photo de Bestimage, sous le titre : « Brigitte Macron : son agent de sécurité (très beau gosse) fait des jaloux ».
Arrivé à l’Élysée en 2017, ce gendarme de 44 ans « ferait quelques jaloux chez ses collègues », selon le magazine, pour avoir « très vite gravi les échelons, en passant de simple adjudant-chef en 2017 à lieutenant trois ans plus tard ». Arrivé 13e pour 200 postes d’officier offerts au concours, le lieutenant Fabien a servi en Afghanistan mais aussi en Irak.
« Je démens formellement que Mme Macron ait proposé à Mme Marchand le moindre service de sécurité », conteste auprès de Mediapart Pierre-Olivier Costa, directeur de cabinet de Brigitte Macron.
« Essaie de te remettre de tout ça parce que c’est vraiment dur », conclut Brigitte Macron, à la fin de sa conversation avec Mimi Marchand.
« Embrasse le patron [Emmanuel Macron - ndlr] et embrasse les enfants. […] Bon, embrasse tout le monde. Merci, ma Brigitte. Merci, bisous. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire