28.- AU TRAIN OÚ NE VONT PLUS LES CHOSES - Ce soir j'attendais Isabelle, j'avais préparé l'aligot. Isabelle c'est notre Amérique à nous. Après un long silence, des voyages aux longs cours, elle nous était revenue. Et puis c'est nous qui étions partis. Mais on s'était jurés de ne plus nous oublier. Alors voilà, cet hiver elle devait enfin découvrir la neige sur ces extraordinaires montagnes où elle aime venir se casser les pattes en été. Ce soir j'attendais Isabelle, on aurait fait du gigot. Isabelle elle est sympa. Elle parle tout le temps, mais jamais pour ne rien dire. Elle est enthousiaste, cultivée, curieuse de tout. Avec elle je m'exprime peu et c'est bien ainsi, elle fait ça si bien. Avec Marie, mon épouse elles arrivent mieux à échanger. Les femmes, ça arrive à parler en même temps, sans jamais se mélanger ni se perdre...
Mais Zaza ne viendra pas. Ce n'est pas qu'elle soit fâchée ni fauchée d'ailleurs. Et puis ici tout est généreusement partagé. Pas d'argent entre nous. Seulement elle n'a pas pu monter. Car les routes n'étant pas sûres, surtout cet hiver qui ressemble à un vrai hiver, je lui avais dit : prends le train. Oh ! superbe idée Jaco, t'es un génie. Je le lui fais pas dire. Et voilà qu'elle tapote sur le minitel - enfin c'est ce qu'elle m'a dit, je suppose qu'elle voulait parler de sa tablette ou un truc dans ce genre ! -
Et là elle jubile, il avait raison Jaco, il existe bien ce train de l'Aubrac, c'est formidable quand même. Le train de l'Aubrac, tu te rends compte, débite-t-elle toute seule de cette voix rieuse, peut-être même assez heureuse.
Pour tout dire ce train a pris ce nom car il grimpe sur notre plateau, mais à l'origine c'était le Paris - Béziers, tout simplement. C'était un train Corail qui permettait aux travailleurs, aux étudiants, aux voyageurs de rallier le centre de la France à coup sûr tous les jours et aux touristes d'éviter de s'entasser en passant par Lyon, Avignon et Montpelllier pour rejoindre les plages du Languedoc-Roussillon.
Pour tout dire ce train a pris ce nom car il grimpe sur notre plateau, mais à l'origine c'était le Paris - Béziers, tout simplement. C'était un train Corail qui permettait aux travailleurs, aux étudiants, aux voyageurs de rallier le centre de la France à coup sûr tous les jours et aux touristes d'éviter de s'entasser en passant par Lyon, Avignon et Montpelllier pour rejoindre les plages du Languedoc-Roussillon.
La première fois que l’État a porté un rude coup au train et à celui-ci en particulier, c'était sous Sarkozy. Cet agité de droite libérale et réformatrice - comme ils disent lorsqu'ils veulent faire plaisir aux riches - tenait absolument à faire la peau au train, trop populaire et surtout symbole du service public, du commun et des cheminots grévistes. Ça leur apprendra ! Et ça rapporte rien... Il fallut alors que la Région se démerde pour rafistoler la ligne avec des locomotives et des wagons récupérés à droite à gauche, accrochés à la ficelle comme une vulgaire andouillette.
Et la région, de gauche avec Frêche, Bourquin et Delga, s'honora de préserver l'essentiel - la circulation du train - en le rendant même accessible pour un euro symbolique. Car outre l'état dégradé de la voie ferrée et de son environnement souvent mal entretenus, ceux qui portèrent atteinte à la ligne du Massif Central, se furent les usagers eux-mêmes. Chacun préférant sa petite auto, son petit confort et sa grande vitesse, ils prirent l'autoroute A75 gratuite, toujours de Béziers jusqu'à Clermont-Ferrand et le TGV plus cosy, plus classe, éventuellement plus rapide ! Et je suis sûr qu'il s'en trouve de ceux-là pour regretter que le trafic soit interrompu ou en tout cas, bien détérioré.
Pendant ce temps ce sont les lycéens et étudiants de l'Aveyron, de Lozère du Cantal et du Puy de Dôme, les autochtones aussi qui se trouvent pénalisés et pour certains immobilisés. Car si elle tient encore, ce n'est plus qu'à un fil et sur le site de la SNCF on vous invite à appeler la veille pour savoir s'il y aura bien un train et même un lendemain ! Même en Afrique ils n'en sont plus là ! Et puis sinon vous n'aurez qu'à prendre les cars Macron, la privatisation insolente sur quatre roue. De quoi dégueuler dans les deux sens du terme, car je ne sais si vous avez essayé le car entre Marvejols et Chaudes-Aigues, mais je peux vous dire qu'y a du tango dans l'air !
Enfin oui, c'est dégueulasse parce que ce jacobinisme ultra-libéral remet en cause les principes de la continuité territoriale qui n'était pas tant l'honneur de la République que son élémentaire devoir. Quant aux Régions à qui l'on a refilé plus de compétence mais pas davantage de moyens, elle ne déploie pas non plus un zèle infini pour raccrocher les wagons, d’autant qu'entre Occitanie et Rhône-Alpes-Auvergne c'est pas le grand amour. Peut-être faudra-t-il attendre qu'après leur triomphe aux Européennes et aux Municipales, les écologistes s'emparent aussi des Conseils régionaux pour que le seul transport propre, économique et populaire redevienne comme dans le passé, le transport d'avenir.
Oui mais en attendant, Zaza ne viendra pas. Elle a bien compté. Même si l'Aubrac, ce train pas comme les autres, est de bon poil, je veux dire s'il démarre en gare de Béziers pour arriver à Marvejols, elle va devoir voyager au départ de Toulon, la bagatelle de 12 heures. De 6 à 10 pour rallier Béziers, puis de 10 à 18 (si, si, huit heures et deux changements pour même pas 300 km !) afin de rejoindre Marvejols.
Du coup elle viendra plus tard en voiture Zaza et on ira manger des tripoux chez Bastide. De toute façon ce week-end les cheminots sont en grève. On se demande bien pourquoi !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire