01.- FLORIAN UNE DERNIERE FOIS - (21 e épisode suite du 27 août) - Debout sur les pédales de sa vieille guimbarde, l'infirmier Florian avait pris la direction de Paris en compagnie du fugitif Florian, celui de Versolier interpellé dans la rue alors qu'il allait chercher son pain. Ce qui lui valut donc sans qu'il ait vraiment le loisir de comprendre un internement au camp de Truchertersheim où étaient consignés ceux que le ministre de la santé, M. Narev appelait "les ennemis de la République".
Car pour le gouvernement de M. Norcam il ne s'agissait plus de mettre les rieurs de son côté, mais bien au contraire en taule.
Le chauffeur finit par avouer à son passager qu'il tombait de sommeil.
- Pas de souci, j'ai moi même conduit une 206 et je n'ai fait que dormir depuis que j'ai été arrêté.
- Écoute, je te remercie mais je pense que ce n'est pas très raisonnable de te donner le volant. A la moindre incartade on peut-être arrêté et je suppose que tu as déjà ton portrait à la "une" non seulement des journaux mais surtout des fichiers numériques de toutes les polices de France, de Navarre et jusqu'en Lituanie !
Mais en signifiant ce refus on ne peut plus bienveillant, l'infirmier se décrochait toujours les mâchoires de bâillements pathétiques. Passionné d'automobile, il avisa un Formule 1 à l'entrée de Livry-Gargan et pensa que c'était plus discret qu'un Novotel. Une simple carte bleue permet de décrocher un clé du boîtier, ni vu, ni connu.
- J'ai pris qu'une chambre, ça ne te dérange pas. T'es pas PD ?
- Ben si, justement !
- Encore une coïncidence... moi aussi ! Mais vu mon état de fatigue, tu peux dormir tranquille...
- Dommage ! s'enhardit l'autre. Et ils partirent d'un gloussement néanmoins sonore.
Chuuuuut ! Surtout ne pas rire. En deux minutes, il n'y avait plus personne.
Le matin ils osèrent le petit déjeuner, mais rasèrent les murs et tentèrent de se dissimuler car la photo de Florian, celui de Versolier, tournait en boucle sur BFM. Et comme il s'agissait d'un écran géant sur le mur du Formule 1 c'était aussi très gênant. Mais ils avaient faim et le petit déjeuner était peu onéreux et à volonté. Abrités sous deux casquettes américaines posées jusqu'au nez, ils suivirent les informations, exclusivement consacrées à la tragédie du tromaranvirus. L'évadé se sentit tout à coup moins seul lorsqu'il apprit que des milliers de "malades" disséminés dans la nature étaient recherchés non plus à travers le pays, mais dans l"Europe et même le monde entier.
L'infirmier pour le réconforter en rajouta
- Tu vois ils ne peuvent pas s'occuper de toutes les personnes contaminées, il y en a trop et partout...
- Je ne suis pas contaminé - coupa le malheureux persécuté - rien ne le prouve, je n'ai aucun symptôme, c'est une dénonciation de ma voisine...
Il s'interrompit brutalement en voyant apparaître la bouille du grand avocat Dumont-Pourriti et désigna la télé du doigt à l'autre Florian qui s'en était détourné
- Regarde le type là avec ses deux japonnais, c'est l'ancien prof de ma sœur à la faculté de droit de Dauphine.
- Ce ne sont pas des japonnais. Ce sont Jiao et Liang les Chinois qui ont apporté le COMIC 19. Grâce à eux les salles de réanimation sont pleines.
- Bon si tu veux, mais j'ai mangé avec lui il y a quelques mois. Il est sympa, il m'a donné sa carte, je vais l'appeler !
- Super idée, mais si ça ne te dérange pas j'aimerai bien rester en dehors de tout ça, parce que sinon je ne suis pas prêt de retrouver un emploi.
Finalement les deux homos trouvèrent plus raisonnable de temporiser à Livry et de se servir de Formule 1 comme camp retranché. Heureusement ce n'était pas encore tout à fait la guerre, car au moindre souffle leur repaire s'effondrerait piteusement.
Fouillant dans les quelques affaires qu'il avait pu rassembler, il ne trouva plus la carte de Dumont. Sa sœur - celle de Florian - se proposa d'appeler son maître directement et de le tenir ensuite informé. Le ténor devenu l'un des piliers judiciaires de la tragédie sanitaire refusa d'abord fermement cette sollicitation. "Il faut que je dorme un peu !" s'excusa l'avocat, je n'ai plus une minute à moi..." Coralie ne se démonta pas et puisa dans ses souvenirs de cours, de court et courre - car il s'agissait d'un grand chasseur - et Dumont-Pourriti finit par se laisser attendrir. "Je ne connais pas trop cette région de Versolier et la petite m'a l'air bien mignonne. Si j'ai l'occasion..."
Comme c'était devenu l'usage fréquent, il revenait au défenseur des personnes incriminées de donner de leur nouvelle. Il se laissait interroger avant les infos pour ne pas risquer d'être repéré en direct et apparut donc accompagné de Florian, mais aussi de Jiao et Liang.
"Que se passe-t-il en Alsace. Je ne la reconnais plus ! Qu'est-ce qui vous prend d'interner les gens arbitrairement et par une évidente maltraitance, un comportement hargneux, parfois haineux. Après le scandale de hôpital de Mulhouse où il n'a jamais été fait acte d'humanité à l'égard de mes jeunes clients chinois, dont rien ne prouve qu'ils soient responsables de l'introduction de la COMIC 19 sur notre sol, c'est à Truchertersheim, que l'homme assis à mes côtés à subi un traitement odieux et probablement létal, seule raison pour laquelle il s'est soustrait à la justice."
Très à l'aise et toujours bien protégé par des médias dont il est l'un des "doudous", Dumont se lance alors dans le récit de la mauvaise aventure de Florian à Versolier. Bien lancé dans une plaidoirie médiatique qu'il préfère encore à celle des prétoires forcément moins retentissants, il surfe sur l'histoire un peu scabreuse, un rien grivoise, scandaleuse.
Et de poursuivre dans le même tempo : " La fameuse nuit ou il ria tant c'est qu'il s'était beaucoup chatouillé avec son ami, non sans se servir quelques verres de tequila tout en se repassant la collection de sketchs de Franck Dubos. Alors certes il est un peu con, mon client - osa l'avocat - et il craint les chatouilles. Mais ça ne mérite en aucun cas un internement, sans quoi il va falloir en réquisitionner des bâtiments ! Sans doute plus encore que de congélateurs...."
Heureusement l'arrivée massive de masques de Chine, que les Français avaient réussi à enlever aux Américains qui en avaient réquisitionné 140 millions sur le port de Shanghai, permettait à tout un chacun de dissimuler ses rires qui jalonnaient joyeusement la salle de réunion d'un hôtel parisien du XIIIe.
Après avoir visionné tout ça dans les journaux télévisés, Dumont-Pourriti pas mécontent des effets provoqués dans le pays et de la vague de sympathie qui commençait à monter en faveur notamment du jeune couple chinois, invita Jiao et Liang, mais aussi les deux Florian au Temple du Chiang-Su son restaurant fétiche et porte-bonheur car c'est souvent ici qu'il descendait déjeuner avant ces grands succès judiciaire.
Il y en avait bien d'autres, mais ces quatre jeunes gens, avec chacun leur histoire, lui paraissaient symboliser l'ardeur chevaleresque de sa mission.
Toutefois il y eut un hic. Non pas tellement que Florian, l'infirmier, ne goûtait guère la cuisine asiatique, même légère et stylisée, mais que l'autre, le fugitif, se plaignit de bouffées de chaleur, se tordant de rire alors que Dumont révélait à sa petite tablée le calvaire enduré par le peuple ouïgour. Refusant l'offre de l'avocat de les accompagner, ils partirent immédiatement aux urgences. L'hôpital de Gentilly les orienta vers le magasin But voisin, ou le rayon salon et literie recevait les nouveaux cas, pas très loin forcément des congélateurs.
Si l'infirmier avait su et pu se protéger, l'interné de Truchertersheim trop longtemps au contact de vrais contaminés, ne résista pas à cette succession d'éclats de rire extrêmement virulent. Après s'être marré toute la nuit dans le sommeil artificiel où il avait été plongé, Florian rejoignit le rayon électro-ménager très tôt dans la matinée.
Ce décès affecta énormément Dumont qui décida de prolonger son combat au nom de Florian qui en deviendrait l'emblème. Pas plus qu'il ne lâcherait d'ailleurs sa tentative de conquête de Jiao. Pour avancer sur cet épineux dossier, il proposa au couple chinois d'aller se changer les idées ce week-end au Mont-Saint-Michel, là où justement aurait dû normalement passer le voyage de noce.
Nous étions désormais, bien loin de toute normalité...
Oui je sais, je n'ai rien écrit cette fois en Chinois. D'abord parce que les deux Florian ne le pratiquaient pas, ensuite parce qu'avec tous ces événements tragiques je n'avais pas le cœur à mandariner.
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