Car entre règlements de comptes - histoires de pognon donc –, de trafics de drogue et de rouleaux de printemps, affaires de mœurs et de cuisine indigeste, il pourrait combler, rien qu’ici, un agenda digne d’un ministre. Cependant, malgré ce goût prononcé pour l’exotisme, il éprouve parfois le besoin de rejoindre son havre de l’île de la Cité et de humer les parfum suave de la bobosphère, dans laquelle il s'est aussi taillé une belle clientèle.
Réputé, voire même très estimé dans le XIIIe arrondissement, son aura lui valait également une cour féminine susceptible de faire baver d'envie quelques chanteurs populaires et autres charmeurs de haut-niveau ( et caniveau). Ainsi, consentait-il parfois quelques ristournettes aux estants en mal d’argent, surtout si une ritournelle promettait d’être entonnée au septième ciel. Il s’était notamment constitué une petite avance sur frais avec l’épouse du pauvre Anti Muong, le chef de la Pagode en Goguette, établissement réputé du boulevard des Maréchaux, subitement en disgrâce après qu’il eut été soupçonné de mettre en œuvre du rat, là où seul le renard et le blaireau étaient censés mijoter en duo. Mme Muong ne manquait pas de distinction, y compris dans la répartition de ses appâts. Mais si elle n’avait pas atteint encore la limite d’âge, le magistrat affectionnait plus volontiers de sortir l’hermine devant d’appétantes gamines.
Le lendemain comme il s’y était engagé, Dumont-Pourriti gara son coupé allemand et ses cylindres en lignes ronronnants comme une portée de jeunes tigres fougueux, devant la brasserie Le Temple du Chiang-Su, honorée par tous les guides gastronomiques d’Europe. C’est là qu’il avait fixé rendez-vous aux jeunes voyageurs de noce, afin essentiellement de ne pas se compromettre dans la miteuse rue Dalloz et ne pas exposer sa mercedez à quelques rayures iconoclastes.
Attablés devant un thé blanc du Fujian, Dumont prit place face à Jiao, Liang est à côté. Après avoir soustrait le couple de sa garde à vue, sans avoir à puiser dans son talentueux arsenal d’arguties et rhétorique, il comprenait d’instinct qu’il allait lui falloir flirter avec le sublime, composer même au besoin avec Lucifer, pour obtenir l’alitement de l’accorte asiatique. Mais il était résolu et ce défi provoquait en lui une poussée d’adrénaline équivalente au moins aux grands procès les plus médiatiques où il lui fut donné de plastronner.
Il la fixa intensément. Pénétrant aussi loin que possible son regard comme pour l’hypnotiser, la subjuguer et si possible dès la première offensive, la marquer, la séduire. Lui, avait des yeux noirs, certes impressionnants mais dépourvus de charme, qui plus est cernés par deux énormes valises qu’il, entre deux voyages, ne semblait jamais poser. Tout était prémédité, mais il privilégia le silence, comme s’il cherchait par où commencer. Baissant les yeux d'une fausse pudeur habilement équivoque, il les redressa d'un bond lorsqu’il déclama, appliqué mais toujours sûr de son fait, cette tirade sur laquelle il avait passé une partie de la matinée: « Nín de yǎnjīng jiù xiàng yīgè mèng, jiù xiàng qīngchén zài yùyuán lǐ de tǔdòu yīyàng».
Tandis que Jiao demeura un instant figée dans ce regard embarrassant, Liang partit dans un grand éclat de rire et c’est lui qui se chargea de remettre le plaideur à sa place. Libéré de l’étreinte paralysante, Jiao en pleurait de rire. Son époux expliqua à l’avocat qu’il avait dit « corvée de patates » et que cela n’avait pas de sens. Un petit cours de vocabulaire et de prononciation plus tard, Dumont un moment vexé, renouvela son credo, redoublant d’application et d’émotion feinte : "Nín de yǎnjīng jiù xiàng yīgè mèng, jiù xiàng qīngchén zài yùyuán lǐ de mòlìhuā yá!" et cette fois Jiao applaudit frénétiquement avec ses mains fines, ponctuant ses battements de petits cris enthousiastes, admiratifs : « Jiùshì zhèyàng, zuò dé hěn hǎo, jiùshì zhèyàng... » (C’est ça, bravo, c’est ça !)
Avec son compliment déclamé à la jeune femme « Vos yeux sont un rêve, pareil à une levée de jasmin au petit matin sur le jardin Yuyuan ! », ce léger accident syntaxique et ce satisfecit démonstratif, le maître pensa que sa cible venait de faire un grand pas vers son lit.
Sachant donner du mou, pour remouliner ensuite ce fin pêcheur en vint aux faits.
- Que comptez vous faire .Vous n’êtes tout de même pas dans une situation simplissime …
- Le mieux est de s’en remettre directement à la diplomatie. J’ai quelques entrées rue Washington depuis que j’ai rendu service à l’ambassadrice. Je pense qu’un rapatriement prioritaire est envisageable dans votre situation... Qu’en pensez-vous ?
- Je crois que c’est bien de profiter de cela si c’est possible. La vie est ici très chère et nous n’avons plus d’avance. D’ailleurs il va falloir vous payer. Est-ce que vous pouvez attendre que nous soyons à Wuhan…
- Ne vous en faites pas pour ça. Rien ne presse. Et demain soir si cela vous dit, je vous inviterai tous les deux. Si c'est possible, je vous présenterai Kim, une attachée d’ambassade de mes relations.
- C’est trop gentil s’enthousiasma Liang, tandis que Jiao, mains jointes, yeux baissés, s’inclinait sans cesse.
Avant de quitter provisoirement la scène de ses futurs ébats, le bavard se permit de déconseiller au jeune couple de rire aussi bruyamment et à tous propos. Le ministre Renatsac envisageant de rouvrir temporairement le vélodrome d'hiver afin d'y rassembler les cas les plus expressifs du tromarranvirus.
- Tous ceux qui ont le type asiatique sont sévèrement surveillés. Les dénonciations se comptent par millier, surtout s'ils ont le malheur de tousser ou d'éternuer. J'ai dû faire libérer - comme vous en garde à vue - deux députés et un secrétaire d'état. Ils ont même arrêté Laurent Delahousse qui a dû démontrer que c'était à force de pousser au cabinet qu'il avait les yeux en amandes... Et je ne voudrais pas avoir à aller vous chercher là-bas, car votre réputation commence à déchaîner l'hostilité et les juges deviennent aussi influençables.
- Jiao qui s'aventurait à mutiner des paupières avec l'homme de loi, posa alors un doigts sur la bouche, signifiant qu'ils avaient bien reçu le message.
En foi de quoi, le lendemain soir le couple se retrouvait comme dans un rêve à la table de l'ambassadeur Li Tchi dont Kim, l'amie intime des soirées complexes de Dumont, avait toujours l'oreille.
Mais que mange t-on au dîner de l'ambassadeur de Chine en pleine pandémie de comic 19 ? Il me semble évident que vous piaffez de l'apprendre. Et paf, c'est là que je rabaisse la poignée d'alimentation, vous plongeant dans un noir profond et un désir insoutenable de savoir. C'est ainsi que l'on tient durablement ses partenaires amoureux et ses lecteurs... C'est Guillaume Musso qui me l'a dit !
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Dans le rouge
avec mon Béo
Voici une nouvelle rubrique assez particulière où je vous propose de relire un texte récent - terrible épreuve - heureusement contesté, raturée et rehaussée par la plume rubiconde, rubescente, parfois même flamboyante de mon Béo.
28 .- ÔTANT POUR MOI - Bon, il faut tout de même que j’y aille ! Comment où ça ? A la mine. De crayon. Que je leur écrive à tous ces gens que j’ai rendu dépendants à Macronique. L’un de mes principaux défauts, je veux dire de ceux qui me gâchent la vie, c’est que j’ai horreur de décevoir c'est le signe - infaillible - d'une élégance morale certaine, laquelle passe toujours par le respect de soi . Même si parfois je me demande si ne sont pas eux, enfin certains d’entre-vous, qui m’avez abandonné en route. Par exemple ceux qui s’infligeaient une lecture quotidienne et qui par dépit m’ont planté là avec mon périodique. Où êtes-vous Francis, Gérard, Claude… des noms ! Des noms ! qui me répondiez quasiment tous les matins ? En sommeil, en vacances, en rupture ? L’essentiel est que vous soyez en vie. Jean-Pierre lui par exemple, je l’imagine trop occupé à se prosterner devant le portrait géant de Macron qu'après trois ans de mandat, ce président puisse susciter une telle adoration constitue un exploit . Ou bien peut-être même déjà en place au camping de Brégançon avec sa paire de jumelles (non pas ses filles, ses longues vues et ses idées courtes…) dans l’espoir d’apercevoir le « grand homme » - et la reine-mère - clapotant dans la piscine à remous (excellente façon d’attiser l’agitation des gilets jaunes) .Ah ! Brégançon… De Pompidou à Chirac, combien d'heures les vieux gazetiers que nous fûmes ont-ils perdues à guetter leurs augustes apparitions ?
Toutefois des lecteurs je le sais, il m’en reste. Bon d’accord j’ai gardé les plus pénibles, à l’exception de ma femme qui ne consent jamais le moindre commentaire et de ma maîtresse, Danielle, qui collectionne précieusement, presque dévotement, mes billets. Si elle veut ouvrir un compte bancaire avec ceux-là, j’aime autant la prévenir de suite que ce n’est pas gagné. Peut-être au Venezuela ?la billetophilie met à l'abri des dévaluations Il y a aussi Gabrielle - autre maîtresse mais d’études supérieures - dont la lecture bien moins ébahie, consiste à sauter sur tout ce qui bouge, à commencer par les fautes dont je m’efforce de parsemer Macronique comme on pourrait le faire dans un magazine féminin estival où il s’agirait de retrouver les sept erreurs. Ou les dix-sept, ça dépend de l’humeur du cronicoeur délicieux néologisme ! Même l'intraitable Gabrielle sera séduite. Sa sévérité même montre qu'elle adore notre Jaco : qui bene amat, bene castigat . Je l’imagine calée sur sa chaise longue, visière sur le front et verre épais, verbe rêche, bave aux lèvres et rire sardonique, appuyant frénétiquement : « Là, y en a une ! Et belle en plus ! ». tes fautes sont comme des étoiles faufilantes Comme on chasserait les mouches. Il lui faudra du temps à s’en remettre, car tout de même quelle insulte proférée à l’encontre de notre si belle langue ! tu ne l'insultes pas, tu la courtises avec une rudesse trop étudiée pour être bien honnête, n'est pas fruste qui veut !Et moi, comme un con, maintenant, chaque fois que je frappe la phrase la plus banale - sans parler de mon inclinaison Gabrielle va tiquer : elle préférerait "inclination" maladive au néologisme et au bricolage sémantique – je me liquéfie en imaginant que ce que je viens d’écrire est truffé de barbarismes incongrus mais... irrépressibles. les barbarismes, chez le lettré que tu es, traduisent un goût immodéré de la liberté et doivent être regardés comme autant de roublardes coquetteries ; ce sont les solécismes qui assassinent vraiment un texte et tu n'en commets guère Car voici le résultat, ma chère Gaby, je n’écrirai jamais plus cette locution qu’ainsi : « ôtant pour moi ». Histoire de m’effacer. de la prestidigitation !
Et puis, y a aussi le vieux gaulois montalbanais qui cherche à se faire naturaliser six-fournais depuis soixante ans. Vous voyez pas ? Un bon collègue pourtant. Enfin... bon ! Un que j’aurais presque cru « coco » comme moi.et qui le reste ! Sinon que ferait-il du temps perdu chez Marx ? Un qui d’ailleurs à renoncé à bien des idéaux façon de dire, en fait ce sont les idéaux qui ont renoncé ( l’air du Var est fort réputé pour transformer les gens de gauche en maire de Toulon - entre autres - analyse très hardie ! Du temps de sa jeunesse l'intéressé se revendiquait en effet de la social-démocratie rurale mais c'était à Pignans, patelin de tous les possibles comme nul n'en ignore Et c'est pour ça qu'ils sont si rares). Une sorte de psychographe qui n’a gardé de rouge que l’encre de sa plume qu’il jette au mouillage avec une âpreté qui me pique au sang, une alacrité qui m’enchante. Ensanglanté, enchanté, peu importe puisque l’on vibre à écrire, que l’on se sent vivre et que l’on en redemande… masochiste et flatteur à la fois ! Au secours !
Voilà. En principe je devais poursuivre ma série assassine sur les horreurs et malheurs d’une existence varoise. Les cigales n’en constituant que la face entêtante et obsédante, mais en rien la plus antipathique. Seulement voilà, en déplacement dans le Tarn pour voyage d’affaires filiales, j’en ai oublié mon disque dur avec les notes et photos y afférant. « Un jour tu oublieras ta tête » me disait maman, avant qu’elle ne la perde finalement avant moi. Mais enfin, cela m’a fait plaisir, pour tuer le temps et occuper l’espace, de régler mes comptes avec quelques amis qui disposent d’autant d’humour que moi… Enfin je l’espère... Nous aimons tous ça, Jaco, et nous en redemandons
PS - Je n'ai malheureusement pas le temps de me relire, ce qui donne une chance supplémentaire de gagner le jeu des sept erreurs (et plus suivant l'humeur...)
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