
17.- PIRE QUE LES ALPES ET LA COSTA BRAVA ! J'avais fondé énormément d'espoirs sur sa majesté COVID 19. Celle qui règne sur le monde avec, il faut bien l'admettre, un luxe de cynisme et de constance. Elle ne nous a pas encore imposé de nous balader une plume dans le cul, mais avec un masque sur le pif. Et si je ne sais quel serait le degré de satisfaction si on imposait la première évoquée à tout un chacun, il semblent bien que le second complaise déjà largement. Ainsi tous les moutons avancent désormais marqués et ça bêle fort. Belle réserve électorale pour le futur candidat Macron ! Et encore, ceux-là sont comme ils sont, faibles d'esprit mais on a toujours composé avec. Il y a les autres, les ordures. Ceux qui vous fusillent du regard, qui vous engueulent et parfois vous dénoncent, si vous ne porter pas votre étoile jaune du moment.
Je n'avais pas réfléchi, en me réjouissant du bordel que ce bon petit virus, dont la vocation première n'était pas si mauvaise, puisqu'il s'agissait de rajeunir les effectifs - chose que la canicule est devenue incapable d'accomplir - allait ainsi nous contraindre à marcher masqués, autant dire au pas. Mais bon, seul ce signe distinctif, nous distrait un brin de cette habitude qu'ont nos compatriotes de faire là où on leur impose de faire.
Ce que j'ignorais en frappant dans les mains, non pour encenser les soignants, mais pour glorifier l'attaquant, c'est que cela allait m'emmener devant le nez (enfin derrière le masque), tous les cons que j'avais enfin réussi à fuir au bout de quarante ans et depuis seulement trois étés ! Car il faut que je vous le dise, avec toute la gravité que la situation impose, ils m'ont retrouvé. Les parvenus, les bobos, les beaufs, les bidochons se sont rués comme un seul homme sur la Lozère. Un temps je me suis dit, tiens ! ils ne considèrent plus que c'est le trou du cul de monde, peut-être même qu'ils se sont dit que finalement à 1500 mètres c'était de la haute plaine et que ça pouvait être aussi sympa que la haute montagne à 800 mètres à Morzine ou Chamonix... Et que c'était très beau, justement cette montagne où l'on voit loin devant, où l'horizon vous donne aussi des perspectives, un goût d'avenir.
La Margeride, les Cévennes, l'Aubrac enfin réhabilités.
Alors très vite j'en suis revenu. Parce que les touristes, quand ils débarquent ils font pas les choses à moitié. Ils débarquent ! Le D'Day à côté c'était un petit défilé de province, un monôme estudiantin. Qu'ils soient de Paris, de Bretagne, d'Alsace, de Bordeaux où de Grenoble, les habitués de la Costa Brava, de la Côte d'Azur, de Sète et de l'île de Ré, c'est sur mes pieds et nulle part ailleurs qu'ils ont posé leur valise. J'en avais déjà mal au gros orteil et à la tête. Surtout lorsque je me projetais vers cet hiver.
D'ici, me disais-je, à ce que les habitués de Megève, de Val d'Isère, des Arcs et des Deux Alpes ne débarquent avec leurs gros tanks audi et BMW, d'où descendraient les premiers de cordée, suivi d'une demi-douzaine de merdeux et leur maman entièrement remplumée au biotox, cet hiver à la Station du Fer à Cheval ! C'est pour le coup que le père Cariou, Angélique et Benoît risquent d'être alors rapidement surmenés.
Enfin, toujours est-il que n'en pouvant plus de tout ce monde, me disant même que je les aurais bien échangé contre ces traînées d'avion qui flagellaient le ciel comme une punition, je n'en étais pas moins bluffé par l'intérêt que portaient les envahisseurs à mon pays. Certes j'en été aussi responsable, tant j'avais youtubé ce territoire à tort et à travers, mais ce n'était rien en regard des ravages qu'avaient pu perpétrer l'affreux Pernaud (el) et son encyclique de 13 heures, les racines et les ailes, Julie et ses carnets, le Jour du seigneur et va-t-en voir quoi, pourvu que cela vienne de la téloche ou des résos ! Jusqu'à ce que mon épouse qui perd encore son temps dans quelques journaux locaux, ait la révélation et me mette dans la confidence de la réalité des choses. C'est, me dit-elle, parce que la Lozère est le département qui fut le moins touché par le virus qu'ils sont tous venus se réfugier chez nous. Un peu comme en quarante avec la zone libre...
Si le département le plus sûr pour passer les vacances avait été la Mayenne, l'Aisne ou la Meurthe et Moselle, ils auraient été déposer le papier souillé de leurs enfants dans des forêts improbables, trempé leur cul flasque dans les eaux du Bréménil, de l'Isle ou de la Bionnière, visiter le conservatoire des papillons de Château-Gontier, la manufacture de tapisseries de Saint-Gobain ou le musée des fonderies de Pont-à-Mousson...
Las, c'est sur mes pieds qu'ils ont posé leurs valises. J'étais content pour Bastide pardi. Mais quand même ! On ne trouvait plus un trou dans le Bés sans que dix cons s'y lavent les couennes ; plus un coin de route sans que les voitures s'y plantent au beau milieu, sans clignotant ni excuse ; plus un chemin vierge de gamins gueulants, de halos de poussière et de papier gras. J'ai vu des troupeaux de vaches affolés, des milans royaux perdre leurs repaires et des taillis de framboisiers anéantis en quelques heures.
La Lozère, l'Aubrac fantasmé un demi-siècle et démystifié en deux mois ! Et me voici en quête, éternel voyageur - insatisfait suggéreront les amis libéraux tellement rassurés par tout ça - d'un nouveau coin perdu, haut perché et si possible inaccessible. Sauf au coronavirus, qui sera toujours le bienvenu...
Mais enfin, s'il y a une justice, M. Moretti, l'année prochaine ils s'en iront ailleurs ! Car avec le monde qui s'est croisé trois mois durant, dans les couloirs d'hôtels, les salles de restaurants, les douches de campings et le lit des ruisseaux et chemins, se serait bien le diable que ce virus ne se soit pas insinué sous quelques masques.
Sans quoi il tomberait encore un peu plus en mon estime...
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Dans le rouge
avec mon Béo
Voici une rubrique assez particulière où je vous propose de relire un texte récent - terrible épreuve - heureusement contesté, raturé et rehaussé par la plume rubiconde, rubescente, parfois même flamboyante de mon Béo.
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