jeudi 4 juin 2020



3.- DES POUSSIÈRES SOUS LE TAPIE - Vous l'aimez, vous, Tapie ? Je me doute bien de votre réponse. Mais je vous le demandais parce que moi j'en connais ! Peu certes, de moins en moins, mais j'en ai connu. Pour qui c'était un modèle ! Quelques ambitieux ne pensant qu'au pognon, quelques femmes séduites par le culot et la fortune de ce séducteur outrancier. Et c'est bizarre comme en y pensant, son profil n'est pas si éloigné du président de la République actuel. Du reste Macron aura banané le Tapie en question, car lui aussi rêvait sûrement d'un destin présidentiel, mais sans doute était-il déjà trop vieux lorsque sa popularité le plaça en tête des sondages. C'est alors que ces " amis " politiques, ceux qu'il avait escroqué, aidés par des juges peu impressionnables, s'employèrent à lui sceller un grand destin... de repris de justice. 
J'ai choisi d'évoquer Tapie pour évacuer le poussière que je compte glisser dessous. Et ne plus en parler. Je lis que l'homme est malade et qu'il a probablement entamé son dernier combat. Le seul pour lequel je serais résolument avec lui. D'autant que deux de mes amis connurent le même cancer, cruel et impitoyable. Et là-dessus j'admets aussi que l'homme à une force de résistance à la maladie hors du commun. Ce qui n'est d'ailleurs pas à mes yeux ni une infamie, ni de l'héroïsme. S'il se bat ainsi c'est qu'il considère que sa vie mérite d'être vécue... 
Ce n'est certes pas beau de tirer sur une ambulance, mais c'est pire s'agissant d'un corbillard. Et comme de toute façon, il faut que ça sorte... Or donc, j'ai entendu parler de Tapie pour la première fois, alors qu'il jouait le rôle de bateleur sur scène et sur TF1. C'était à Hyères dans le Var où je travaillais. C'était je crois en 1987 pour la dernière de ses émissions, appelées - au hasard - "Ambitions" et qui faisait l'apologie d'un monde capitaliste rêvée où, avec son bagout, son immense bouche - jamais vu une si grande gueule ! - et ses théories à la con, il faisait grimper des gamins déjà pervertis, aux arbres. Ah ! que j'avais eu horreur du bonhomme et de son émission. Mais vous savez, une sainte horreur ! 
Tout ce qu'il pensait, qu'il clamait et malheureusement répandait devant un peuple français toujours ébloui par les bonimenteurs, pourvu qu'il brille un peu et qu'il présente bien, venait à l'encontre de mes conceptions de la société et de l'humanité. 
Et comme j'avais en horreur le foot et particulièrement sa caricature marseillaise, il s'empressa de reprendre l'OM pour un franc symbolique ! Du reste, Tapie achetait toutes les sociétés pour le franc symbolique. Dans le sport c'était pour se faire mousser - il aimait si peu ça, se faire mousser ! - et dans les affaires pour " se les faire en or " au détriment du petit. Ainsi reprit-il Terraillon, la Vie Claire, Donnay, Wonder, Testut et j'en oublie sans doute, sans jamais bourse délier. Son sport préféré était ensuite d'assainir - de mettre les ouvriers à la porte en d'autres termes - et de revendre les mêmes boites quelques années après, plusieurs centaines de millions. Pour rouler le monde Tapie était effectivement imbattable. On m'a même raconté que dans les années quatre-vingt, l'un de ses grands exploits avait été d'acheter le château de Bokassa et d'autres biens, en faisant croire au dictateur centre-africain que l'état français s'apprêtait à le saisir ! 
Charmant garçon ! Mais ses abjections ne se limitèrent pas
au monde du business dont il défraya la chronique et effraya ses partenaires, ni au sport d'où rien n'était clair non plus évidemment. Il lui fallut bien entrer en politique. Que serait-elle advenue sans ce parangon d'intégrité ?
Je me souviens de mon profond dégoût lorsque Mitterrand - que j'avais déjà largement rejeté après qu'il ait renié le programme commun sur lequel il s'était fait élire, sacrifiant au passage le parti communiste pour mieux installer le Front National de Le Pen dont il avait besoin pour conforter sa légitimité - fit appel à " Nanard " pour occuper un ministère de la ville taillé sur mesure pour faire et raconter n'importe quoi. Mais cela ne lui fut pas d'un grand bénéfice - pour une fois - car la vente d'Adidas entachée des malhonnêtetés coutumières amorça la descente aux enfers judiciaires. 
Le capitaine du Phocéa portant beau - mais foncièrement moche - , se retrouva à la barre du Titanic et des palais de Justice. Cela ne l'empêchant pas, en attendant la première condamnation le mettant réellement hors-jeu (avec l'affaire des matches de football truqués), de poursuivre une carrière politique tout aussi malsaine que le restant de son "œuvre". La petite histoire de ce monde interlope, retiendra que Tapie après avoir fait le chaud - et le show évidemment - face à Le Pen dans un débat télévisé indigne de démagogie populiste, alla supplier le même Le Pen, dans sa résidence de Montretout, de maintenir son candidat à Marseille, lors d'une triangulaire lui permettant de garder son siège de député - et d'impunité -. Belle mentalité ! Pour l'anecdote, Bernard Tapie représentait alors la gauche... Quelle gauche ! 
Ce n'est pas du tout avec un esprit vengeur que je consacre cette chronique à ce type qui constitue à me yeux, rien moins que la négation de l'homme. On ne peut d'ailleurs écrire à son sujet sans un sentiment de colère et de mépris. A moins évidemment d'être des siens et notamment de sa famille. Car il faut du courage ! Raison de plus dans les circonstances présentes. 
En pensant à Tapie, j'ai surtout mal à cette France qui a pu un jour croire, donner crédit -lyonnais et autres - à un histrion pareil, un paltoquet, un aigrefin. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'il n'aimait pas, mais alors pas du tout les journalistes ! Surtout ceux qui osaient le décrier et sur qui il foutait volontiers son poing sur la gueule ou qu'il jetait à l'eau. Les journalistes qu'il traitait de "ratés" et de "jaloux". 
En 1989, alors que j'avais la chance de fêter le bicentenaire de la Révolution en stage au Journal du dimanche, je fus invité à aller faire le pied de grue, rue des Saints-Pères, devant son luxueux hôtel particulier, siège de sa holding de l'époque encore fleurissante, BTF. Il s'agissait d'obtenir une interview du président de l'OM au sujet d'une brouille et de l'éventuel départ de Michel Hidalgo. Entre 9 heures du matin et 17 heures, il ne se passa rien. Sa secrétaire ayant même répondu à la meute journalistique que son maître n'était pas à Paris pour le moment. Mais en fin de soirée c'est tout de même lui qui jaillit du porche dans sa grosse bagnole. Et pour se frayer un passage, il accéléra et fonça sur nous. Ce fut l'une des peurs de ma vie... 
Mais non, Bernard Tapie, on n'est pas jaloux !


Nadau, le combattant

Et pour nous purifier un peu en ce jeudi, jour de Nadau, un petit chef d'oeuvre de générosité, d'émotion et d'humour. Une des plus belles chansons du groupe pyrénéen. " En davant "  où l'on explique la différence entre un battant - Tapie par exemple ! - et un combattant. Le battant il se bat pour lui seul, le combattant, il se bat pour les autres....


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