23.- QU'EST-CE QUE JE FAIS ? COMMENT QU'EST-CE QUE JE FAIS ! On nous bat froid. On nous maltraite. On nous traite de rêveurs, de déphasés, parfois même d'illuminés, d'arriérés. De communistes, ce qui à mes yeux n'est en rien une insulte ! De suppôt de Staline, ce qui est évidemment plus infamant, volontairement blessant. Idiot !
Un ami - car un mec qui t'aide à charrier des pierres dans son camion au risque de s'écraser un pied ou de contracter un tour de rein ; qui serait probablement capable de se lever aussi la nuit si tu l'appelais, c' est un ami même s'il est de droite ou pire pour Macron ! - me demandait récemment ce que je faisais concrètement pour lutter contre le libéralisme. C'est aussi leur technique lorsqu'ils ne savent plus justifier les déséquilibres du monde, les richesses honteuses, l'exploitation de l'homme par l'homme, ils te renvoient la patate chaude : " Oui mais toi, qu'est-ce que tu fais pour lutter contre ça ? " Je n'avais pourtant rien dit de tellement scandaleux, je prétendais qu'une aide-soignante était plus utile de nos jours qu'un cadre commercial et/ou supérieur ! Et qu'en conséquence ils devraient être payés correctement tous les deux. Trois mille euros (ou cinq mille euros pour un couple) me paraissant très largement suffisants !
Qu'est-ce que je fais ? C'est la question saugrenue de quelqu'un qui ne lit pas ce blog. Ou pas souvent ! Car écrire tous les jours pour fédérer les belles âmes - qui demeurent la meilleure arme contre les égoïstes et les profiteurs de tous bords - c'est déjà résister. Et c'est appeler les autres à le faire. Tenez, vous par exemple, je sais que si vous lisez ceci et si vous n'écrivez pas vous même, vous vous efforcez au moins de faire suivre cette lettre au plus grand nombre.
Qu'est ce que je fais, mon ami ? J'écris le nom de liberté, d'égalité, de justice sur une feuille virtuelle, sans le talent d'Éluard, mais à l'encre de sang - celui de mon grand père et de tous ceux qui sont tombés dans l'espoir que l'on n'aurait plus jamais à subir de tels gouvernants au service d'une société barbare et déconsciencisée. L'encre du bon sens qui ne saurait mentir !
J'écris aujourd'hui des mots de colère et de foi, que vous avez déjà vu et que vous relirez souvent si je préserve en moi cette forme de Résistance et cette force de communiquer. J'écris les mêmes mots en découvrant le texte de Daniel Mermet, l'ancien producteur-présentateur de "Là bas si j'y suis" cette grande émission rebelle à qui France Inter, radio d'état, a coupé le sifflet.
Dans sa version numérique, il rend hommage à Yann Augras, mort connement au volant - ce qui peut hélas arriver à n'importe qui ! -. C'était le combattant, le Résistant, figure emblématique de GM&S , cette boite d'équipement automobile de la Souterraine, au fin fond de la Creuse, où comme chez Good Year, Moulinex, Fralib, Alcatel, Alsthom... des ouvriers sont traités comme des pions, des moins que rien que l'on jette s'ils reviennent trop cher, c'est à dire s'ils privent les actionnaires replets de confortables dividendes. C'est dégueulasse et c'est ce monde là que défendent ceux qui ont inventé Macron en lui offrant leurs voix.
Après, c'est sûr, à mon âge je ne vais pas aller militer sur les chaînes de production, ni les marchés, mais je vous assure que je vais tout de même regarder si, avec le mouvement naissant "Se Fédérer" il n'y a pas moyen, quand même, d'avancer. D'espérer.
Car je n'aurai de repos et de répit moral et intellectuel, que lorsque j'aurai acquis la conviction que le monde qui m'entoure va mieux. Qu'il est devenu meilleur et plus fréquentable et que l'on pourra raconter ça à Yann Augras lorsqu'on le rejoindra, à l'heure ultime du combat fatal. En voiture ou sous perfusion...
Retrouvez l'hommage de Daniel Mermet et de " Là bas si j'y suis" à Yann Augras , ci-dessous
Si j'étais riche à millions...
Je me demande également si, en ayant gagné plus d'argent, je sais pas moi, 5000, 10 000 € j'aurais été aussi combatif pour ramener les salaires à une échelle plus décente, si j'aurais milité pour un impôt progressif et impitoyable.
Je crois que oui, car ce n'est pas une question de salaire ni de moyens, mais de mentalité, de conscience, d'humanité. Il y a de gros salaires qui sont heureux de payer beaucoup d'impôts et de partager ce qu'ils gagnent. Moi je le répète, je perçois une retraite d'un peu plus de 2500 € pour un couple, nous vivons bien à deux, c'est à dire suffisamment et je donne au Secours Populaire ! Ce qui démontre qu'il doit y avoir moyen d'organiser une société plus frugale et bien plus solidaire aussi bien chez nous qu'avec le reste du monde....
Du coup j'ai repensé à cette chanson de Jean Ferrat. Ah ! quel bonheur Jean Ferrat et comme il nous manque...
Le voici le nouveau monde !
L’affaire Kohler a été classée
après une lettre d’Emmanuel Macron
23
JUIN 2020 PAR MARTINE
ORANGE
Passant
outre la séparation des pouvoirs, Emmanuel Macron a écrit au PNF à
l’été 2019 pour disculper Alexis Kohler, au lendemain d’un
rapport de police l’accablant. À la suite de cette lettre, un
second rapport d’enquête a été écrit, aboutissant à des
conclusions inverses. Un mois plus tard, l’enquête sera classée
sans suite.
Au
mépris de la séparation des pouvoirs, le président de la
République est intervenu directement dans une procédure
judiciaire individuelle. Une entrave à la justice visant à protéger
son collaborateur le plus proche, Alexis Kohler, et à couvrir
un mensonge d’État.
Ce
n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron ne se sent pas
tenu par l’ordre constitutionnel de la séparation des pouvoirs,
consacré par l’article 16 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789. C’est même devenu une habitude
sous ce quinquennat, comme le
rappelle Ellen Salvi.
Mais cette fois, il a choisi d’outrepasser toutes les règles.
Alors
qu’un premier rapport d’enquête accablant avait été rédigé
par la police le 7 juin 2019, un second rapport, disant exactement
l’inverse, est signé le 18 juillet 2019. Entre-temps, le
1er juillet, une
attestation d’Emmanuel Macron a atterri au Parquet national
financier chargé de mener l’enquête.
Le
secrétaire général de l’Élysée est alors sous le coup d’une
enquête préliminaire du Parquet national financier pour conflit
d’intérêts et prise illégale d’intérêts depuis juin
2018. Comme
l’avait révélé Mediapart,
Alexis Kohler n’avait en effet pas rendu publics ses liens
familiaux avec la famille Aponte, principal actionnaire de MSC.
Ce
groupe, très opaque, de transport dépend beaucoup des aides
publiques et Alexis Kohler, dans ses diverses fonctions, a été
amené à prendre position sur ce dossier au nom de l’État. Et
c’est pour l’exonérer de toute faute qu’Emmanuel Macron prend
alors la plume.
« Cher
Alexis,
Comme
suite à votre demande, je vous confirme que lors de ma prise de
fonction de ministre de l’économie, de l’industrie et du
numérique, j’étais déjà informé de vos liens familiaux avec
les actionnaires de contrôle de MSC, ainsi que de la volonté que
vous aviez exprimée de rejoindre cette entreprise quelques mois plus
tard.
Vous
m’aviez d’ailleurs formellement remis, au moment de votre entrée
aux fonctions de directeur de mon cabinet, un courrier demandant à
ne jamais avoir à traiter des dossiers et questions concernant cette
société.
Dès
lors, les mesures d’organisation ont été prises dans ce sens, M.
Julien Denormandie, directeur adjoint du cabinet, ayant été chargé
en lien direct avec moi de tous les sujets substantiels et des
négociations concernant la société MSC qui étaient dans le
périmètre de mes attributions ministérielles », indique
cette note signée de sa main.
Le
chef de l’État sait l’usage qui sera fait de cette note
demandée par son bras droit : elle va être adressée
directement au Parquet national financier (PNF) pour aider Alexis
Kohler.
Cette
note devait rester inconnue de tous, à l’exception des deux ou
trois personnes auxquelles elle était destinée. Elle n’a même
pas été cotée au dossier. Et il n’y est jamais fait
référence dans le rapport d’enquête, hormis une simple mention
entre parenthèses. Elle aurait dû disparaître. Mais elle existe
toujours- Mediapart se l'est procurée- et jette un trouble sur le
fonctionnement de la justice
« Le
déroulement de certaines procédures ne permet pas d’écarter le
soupçon d’une immixtion illégitime du gouvernement dans des
affaires individuelles »,
déclarait Élise Van Beneden, secrétaire générale adjointe
d’Anticor, le 20 mai, devant
la commission d’enquête parlementaire sur les obstacles à la
justice qui l’interrogeait sur les éventuelles entraves à la
justice qu’elle avait eu à connaître.
Elle y avait alors explicitement exposé l’existence de cette
lettre. Débouté de sa première plainte, Anticor a redéposé une
plainte devant le doyen des juges d’instruction pour « conflit
d’intérêts », « non-respect des codes
déontologiques », « trafic d’influence ».
Lors
des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, ce 23 juin,
le député (FI) Ugo Bernalicis, qui préside cette commission
d’enquête, a donc interpellé la ministre de la justice Nicole
Belloubet, lui demandant si elle était informée de cette
intervention directe de l’Élysée dans l’enquête visant Alexis
Kohler. « Êtes-vous prête à ouvrir une enquête de
l’Inspection générale de la justice ? », a-t-il
demandé. Il n’a obtenu qu’une réponse embarrassée de la part
de Nicole Belloubet.
Interrogé
sur les motifs qui ont conduit Emmanuel Macron à rédiger une
telle note, et sur les risques que cela pouvait représenter au
regard de la séparation des pouvoirs, l'Elysée nous a indiqué
qu'il ne ferait «aucune réponse» à nos
questions. Le conseil d’Alexis Kohler, Éric Dezeuze, auquel nous
avons posé les mêmes questions, ne nous a pas répondu au moment où
nous publions cet article.
Cette
note se révèle une pièce essentielle dans une opération commando
pour blanchir le secrétaire général de l’Élysée et enterrer
promptement l’affaire Kohler. Car il y a un avant et un après
cette lettre.
Un
premier rapport d’étape est rédigé par un commissaire de la
Brigade de la répression de la délinquance économique (BRDE) qui a
été chargée de l’enquête le 7 juin 2019. Il est totalement
accablant pour Alexis Kohler. Il pointe les faits, les mensonges et
les manquements du haut fonctionnaire, qui a totalement ignoré
pendant plus de dix ans la notion de conflit d’intérêts, les
risques de prises illégales d’intérêts.
Mais
un second rapport, qui lui se veut définitif, est rédigé le 18
juillet par le même commissaire. Il a été réduit d’une bonne
dizaine de pages : tous les faits dérangeants contre Alexis
Kohler ont été expurgés. Le rapport dédouane totalement le
secrétaire général de l’Élysée de tout, insiste sur sa « bonne
foi ». Ce qui permettra au procureur de la République
financier adjoint, Jean-Luc Blachon, de classer promptement l’enquête
préliminaire sans suite, le 21 août 2019. Un soulagement pour
l’Élysée et Alexis Kohler.
En pleine vacance du PNF
Même
s’il n’en montre rien à l’extérieur, le secrétaire général
est alors totalement obsédé par ce dossier depuis les révélations
de liens familiaux du secrétaire général de l’Élysée avec la
famille Aponte, actionnaire unique de MSC, en avril 2018 (voir
notre dossier).
Des relations suivies : après avoir passé plusieurs années de
suite des vacances avec la famille Aponte, notamment sur leur
yacht Radial au
large de la Croatie au début des années 2010, Alexis Kohler
rejoindra le groupe maritime en tant que directeur financier entre
novembre 2016 et avril 2017. Ce qui lui permettra au passage de
quasiment doubler sa rémunération par rapport à son salaire de
directeur de cabinet d’Emmanuel Macron. Pendant ces sept mois, il a
touché en moyenne plus de 28 000 euros par mois comme directeur
financier de MSC.
Si
les relations familiales d’Alexis Kohler avec la famille Aponte
sont si problématiques, c’est que MSC est un groupe qui dépend
beaucoup de l’argent public. Premier client des Chantiers navals de
l’Atlantique (auparavant STX France), MSC a pris pour habitude
de conditionner toutes ses commandes de paquebots et ses activités
portuaires en France au fait que l’État lui accorde des facilités
de crédit et de financement.
Dans
un mail d’avril 2013, le directeur financier de STX résume les
exigences de MSC auprès de l’État : « avoir
accès à la liquidité publique sur la durée la plus longue
possible », sans contrainte ni restrictions. En d’autres
termes, que l’État subventionne et finance MSC les yeux fermés.
Et cela se chiffre en milliards à chaque commande auprès des
Chantiers navals de l’Atlantique.
Or,
Alexis Kohler a été en position depuis 2008 de pouvoir donner des
avis, de prendre des décisions sur le dossier MSC. D’abord, comme
chef de bureau puis sous-directeur de l’Agence des participations
de l’État (APE), où il a siégé aux conseils d’administration
de STX France et du port du Havre. Puis, comme directeur adjoint de
cabinet de Pierre Moscovici, ministre des finances, et comme
directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, alors ministre de
l’économie, où le dossier STX France a été en permanence
en haut de la pile dans les cabinets de Bercy, comme des
dizaines de mails en attestent.
C’est
dire si l’enquête est dangereuse pour Alexis Kohler. L’affaire
inquiète au plus haut point l’Élysée, qui s’alarme de ce
qui se trame au Parquet national financier. Des perquisitions ont été
faites à Bercy, à l’Agence des participations d’État, à la
commission de déontologie, au port du Havre. De nombreux documents
et des mails ont été saisis.
Celui-ci,
d’ailleurs, n’est alors toujours pas désigné. Et c’est
sur cette
vacance du pouvoir au
sein du PNF, sur cette période où l’intérim est assuré par deux
avocats généraux délégués par le procureur général de Paris,
puis par celui des deux procureurs adjoints du Parquet national
financier, que semble compter l’exécutif pour enterrer promptement
et discrètement ce dossier embarrassant. Une situation qui a permis
à Jean-Jacques Bohnert, qui sera officiellement nommé le 9 octobre
2019 à la tête du PNF, d’entrer en fonction en étant débarrassé
de quelques dossiers gênants.
C’est
une véritable opération commando qui se monte en quelques semaines
pour extraire Alexis Kohler des mains de la justice. Alors que son
avocat, Éric Dezeuze, n’a pratiquement pas transmis de pièces aux
enquêteurs depuis l’automne 2018, brusquement celui-ci s’active,
à partir de mai. Il transmet attestation sur attestation des anciens
chefs et collaborateurs d’Alexis Kohler. Tous affirment que ce
dernier les avait toujours informés de ses liens familiaux avec la
famille actionnaire de MSC, et qu’il a toujours veillé à se
déporter dès que le sujet d’une façon ou d’une autre était
abordé.
Le
13 mai 2019, arrive ainsi l’attestation de Rémy Rioux, ancien chef
d’Alexis Kohler à l’APE puis au cabinet de Pierre Moscovici, qui
a déjà signé deux attestations en faveur de son ancien
collaborateur pour la commission de déontologie. Le 21 mai, c’est
Amélie Verdier, ancienne directrice adjointe du cabinet de Jérôme
Cahuzac, puis de Pierre Moscovici, qui fournit une attestation de
moralité. Puis Julien Denormandie, ancien conseiller chez Moscovici
puis directeur adjoint du cabinet d’Emmanuel Macron – aujourd’hui
ministre de la Ville –, apporte son témoignage, certifiant qu’il
a été seul à gérer les dossiers concernant MSC. Comme les autres,
il affirme qu’il connaissait parfaitement les liens entre Alexis
Kohler et la famille Aponte, et que ce dernier s’était toujours
déporté afin d’éviter tout conflit d’intérêts.
Même
Pierre Moscovici, qui n’avait jamais signé la moindre attestation
pour Alexis Kohler pour la commission de déontologie et avait
délégué cette tâche à son directeur de cabinet, Rémy Rioux,
fournit à son tour une attestation de moralité au secrétaire
général de l’Élysée le 17 juin. Il sera suivi le 28 juin par
Jean-Dominique Comolli, directeur de l’APE de 2010 à 2012, qui lui
non plus n’avait jamais signé jusque-là la moindre attestation en
faveur d’Alexis Kohler.
Et
puis, coup de théâtre le 1er juillet
2019. Éliane Houlette a juste quitté la direction du PNF la veille.
Dès le lendemain, Emmanuel Macron signe à son tour une attestation
en faveur d’Alexis Kohler. Elle sera transmise, en même temps que
celle de Jean-Dominique Comolli, par l’avocat d’Alexis Kohler au
procureur adjoint du PNF, ce qui permet de noyer la note d’Emmanuel
Macron dans la masse, en la faisant apparaître comme une attestation
parmi les autres, et de sauver les apparences. Officiellement, il n’y
a aucune pression de l’Élysée.
À
son départ du ministère de l’économie fin août 2016, celui-ci
avait déjà écrit une lettre à la commission de déontologie en
faveur d’Alexis Kohler. Dans cette première attestation, le
ministre se gardait bien alors d’évoquer les liens familiaux entre
Alexis Kohler et la famille Aponte. L’appui d’Emmanuel Macron
avait été déterminant pour obtenir le feu vert de la commission de
déontologie, de l’aveu même du président de cette commission.
Alors pourquoi en écrire une seconde et ne pas remettre simplement
la première au dossier ? Interrogé à ce sujet, l’Élysée
nous a indiqué qu'il ne ferait «aucune réponse»
Même
si la note ne comporte aucun en-tête de l’Élysée, Emmanuel
Macron et Alexis Kohler ne peuvent pas en ignorer la portée. Et
c’est d’ailleurs ce qu’ils recherchent. Tout s’accélère à
partir de cet envoi.
Alexis
Kohler est convoqué dès le 7 juillet à la Brigade de la répression
de la délinquance économique pour être entendu. Au cours de cette
audition, Alexis Kohler ne manque pas de se référer à cette note.
Déclarant en plusieurs reprises qu’il n’a commis aucune faute,
aucun manquement à la légalité, qu’il s’est toujours conformé
aux textes, qu’il n’a jamais été en situation de conflit
d’intérêts puisqu’il a toujours informé ses responsables de
ses liens familiaux.
Mais
Alexis Kohler paraît s’impatienter au fur et à mesure que les
questions sur ces non-déclarations de ses liens familiaux
s’enchaînent. Quand est évoquée sa situation au cabinet
d’Emmanuel Macron, il précise avoir remis une lettre au ministre
dès septembre 2014 pour l’informer de sa situation. Le secrétaire
général de l’Élysée retrouve alors les réflexes de ses
fonctions : prononcer le seul nom du président de la République
vaut ordre. Il enchaîne donc : « Ce faisant, je
me suis conformé aux dispositions légales en vigueur, comme le
confirme la note personnelle d’Emmanuel Macron en date du
1er juillet
2019 que mon conseil a fait parvenir à monsieur le premier
vice-procureur financier. »
D’un rapport à l’autre
Quand
le secrétaire général de l’Élysée évoque directement à la
fois l’Élysée et sa hiérarchie judiciaire face à un enquêteur
de police, que peut-il se passer ? L’enquête va être
méthodiquement démontée et les conclusions vont totalement
changer (voir notre article détaillant la réécriture de
l’enquête à un mois d’intervalle).
Dans
le premier rapport, rédigé le 7 juin, l’enquêteur concluait
notamment par ces extraits : « Sa connaissance de
son conflit d’intérêts est avérée par son mail indiquant à
Rémy Rioux [avec lequel Alexis Kohler a travaillé pendant
des années, d’abord à l’Agence des participations de l’État,
puis au cabinet de Pierre Moscovici – ndlr] qu’il se
trouve en conflit d’intérêts. […] Il ne
déclare pas son lien familial dans sa déclaration d’intérêts de
janvier 2014 », constate le rapport
Bien
que se sachant en situation de conflit d’intérêts, il agit comme
si de rien n’était lorsqu’il entre au cabinet de Pierre
Moscovici et d’Emmanuel Macron, poursuit le rapport d’enquête
dans ses conclusions : « Il ne prend aucune mesure
pour organiser un déport formalisé sur toutes les questions visant
MSC. Au contraire, il est destinataire des notes APE et du Trésor
sur les contrats de paquebots et sur les problèmes de garantie de
financement, tant pour STX que pour MSC. Le conseiller
cabinet [Julien Denormandie – ndlr] chargé
particulièrement de STX le met en discussion des mails échangés. »
Et
le rapport continue d’enfoncer le clou : « Dans
le processus décisionnel, sa qualité de directeur de cabinet le
conduit à superviser le travail de l’APE et du Trésor et des
conseillers techniques, et à donner des avis aux conseillers et au
ministre. »
La
conclusion de ce rapport d’enquête est assassine pour Alexis
Kohler : il n’a rien fait pour prévenir le conflit d’intérêts
et les soupçons de prise illégale d’intérêts : « Dès
sa prise de fonction, le rapporteur de la commission de déontologie
lui conseille d’organiser un déport officiel sur les questions
concernant MSC. Or il ne met rien en place […]. Rien ne
démontre à ce stade de la procédure qu’Alexis Kohler n’ait pas
supervisé ou donné des avis sur les opérations impliquant STX et
MSC. Toutes les informations lui remontaient. »
Alexis
Kohler, le 11 novembre 2018. © Ludovic Marin / AFP.
En
à peine un mois de distance, le même enquêteur s’est ravisé et
a totalement changé d’approche. Plus question de la dissimulation
sur les liens familiaux avec la famille Aponte, de l’absence de
signalement dans ses déclarations d’intérêts, de ses conflits
d’intérêts dans ses différents postes, du fait qu’il ne se
soit pas déporté, que rien ne prouve qu’il n’ait pas donné
d’avis sur MSC. Dans le second rapport en date du 18 juillet et
présenté comme définitif, tous les faits gênants, toutes les
interrogations ont disparu. Alexis Kohler a été de bout en bout
exemplaire.
Ainsi,
lorsqu’il était à l’APE et exerçait les mandats
d’administrateur chez STX et au port du Havre, sa situation est
jugée parfaitement régulière dans le second rapport
d’enquête. « Alexis Kohler n’a jamais
dissimulé son lien de famille et l’a indiqué à
plusieurs reprises verbalement et par écrit à sa hiérarchie et son
collaborateur direct. […] Il avait demandé son
remplacement d’administrateur chez STX mais est resté en poste par
décision de sa hiérarchie de l’APE, puis du ministre comme
représentant de l’État. Ses votes au conseil de STX et de
GPMH [Grand port maritime du Havre – ndlr] qui
pouvaient impliquer une des sociétés avaient été effectués sur
consignes du ministre. Les nombreux mails professionnels et
personnels pour cette période attestent de sa bonne foi »,
conclut le second rapport.
De
même, lorsqu’il est nommé directeur adjoint de cabinet de Pierre
Moscovici, le second rapport indique : « Alexis
Kohler avait informé dès sa prise de fonction le ministre et son
directeur de cabinet de ses liens de parenté. Un déport avait été
organisé pour la prise en compte des dossiers relatifs à MSC.
L’organisation du cabinet le rendait destinataire à titre
d’information de toutes les notes, notamment celles de la DGT et de
l’APE, ainsi que des mails concernant STX et des notes sur des
opérations impliquant MSC. Ce qui explique les nombreux documents
découverts et exploités. Les mails et les notes analysés
confirment qu’Alexis Kohler n’avait pas émis d’avis ou proposé
de décision sur les notes de l’APE ou de la DGT. »
Le
second rapport conclut enfin que l’attitude d’Alexis Kohler a été
tout aussi respectueuse des règles déontologiques, lorsqu’il
était directeur de cabinet d’Emmanuel Macron : « Alexis
Kohler avait informé dès sa prise de fonction le ministre de ses
liens de parenté. Il avait remis une lettre au ministre en septembre
2014 pour préciser qu’il se déporterait de tous les dossiers
relatifs à MSC. Le directeur adjoint traitait donc ces dossiers.
L’organisation du cabinet le rendait destinataire à titre
d’information des notes de la DGT et de l’APE, ainsi que des
mails concernant la société STX. Il relevait de sa fonction de
valider et d’organiser les rendez-vous et réunions pour le
ministre, en liaison avec ce dernier. Le dossier STX France
concentrait d’importants enjeux économiques et stratégiques.
Suivre ce dossier et fournir des avis relevaient donc de son poste
mais concernant le volet de la recapitalisation de cette société,
dès qu’il a eu connaissance de l’intention de MSC de devenir
actionnaire en septembre 2015, il avait cessé de suivre ce
dossier. »
Avec
un tel rapport final, totalement réécrit, le procureur de la
République financier adjoint, Jean-Luc Blachon, nommé seul sur le
dossier, n’a eu aucune peine pour prendre une décision de
classement sans suite le 21 août 2019. Qui a validé ce classement
sans suite ? Interrogés, le PNF et le parquet général ne nous
ont pas répondu. La fin de l’enquête sera annoncée par
communiqué.
Mais
il faudra attendre plusieurs mois avant de connaître les
motivations de cette décision. Invoquant la prescription d’un
certain nombre de faits constitutifs d’un conflit d’intérêts
potentiel, le magistrat estime que rien ne démontre qu’Alexis
Kohler avait « l’intention de prendre un
intérêt ». « Alors même que l’enquête a
été ouverte avant le délai de prescription fixé à douze ans pour
les délits occultes et dissimulés, l’enquête n’a pas permis
d’établir qu’Alexis Kohler avait délibérément accompli des
manœuvres visant à empêcher la découverte ou la révélation de
son lien familial avec la famille Aponte », poursuit la
décision, estimant donc que les délits de prise illégale
d’intérêts ou le « délit dit de pantouflage »
n’existent pas.
Au
moment de l’annonce de ce classement sans suite, des connaisseurs
du droit public avaient été surpris de la décision du PNF, tant
les faits paraissaient lourds contre Alexis Kohler. « Si
un tel cas ne mérite pas une instruction par un juge, alors autant
dire que les codes et les commissions de déontologie ne servent à
rien, qu’il n’y a pas par nature de conflit d’intérêts dans
la fonction publique », constatait un haut fonctionnaire
alors. La réponse à leur interrogation après cet inexplicable
classement sans suite est désormais connue : une lettre
« magique » de l’Élysée est venue tout effacer.
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