16.- COMME CHAUVE-SOURIS ET PANGOLIN EN FOIRE - (suite du 4 avril et du 31 mars) - Deux gamins turbulents de l'école secondaire de Jiangxia qui effectuaient, avec leur classe, la visite de l'Institut de virologie de Wuhan tout proche, avaient profité de l'inattention de leur professeur en grande conversation avec Mme Cian, la maître de recherche et le directeur M. Thuang, pour déverrouiller toutes les cages du labo. Il suffisait d'appuyer sur un bouton orange pour lever le loquet et il faut bien admettre qu'en comparaison des explications alambiquées des scientifiques, c'était un peu plus récréatif. Mais au grand regret des chenapans, pas une seule de ces bestioles n'étaient parvenues à s'extraire de leur prison de verre.
Mme Cian, après avoir découvert le lendemain matin l'abomination, préférant dissimuler la réalité à ses assistants et à la direction de l'IRVW, reprit ses travaux réprimant, non sans difficulté, un malaise néanmoins patent à l'estime de ses jeunes collègues. Ils évoquèrent d'ailleurs longuement son état lors de la pause de midi devant un fameux bol de riz au tofu-tomate. Ces yeux rougis, cette démarche hésitante, ces frissons accompagnés de somnolence n'étaient-ils pas les signes avant-coureurs d'une des formes de grippe sur lesquelles planchait son équipe, en coordination avec le général chef de l'hôpital militaire de Xi'an ?
La veille donc, en début de nuit, tandis que le calme et l'obscurité s'accaparaient l'espace, la chauve-souris et le pangolin s'enhardissaient. Avisant la porte et la fenêtre béantes et après une brève concertation, l'une pris la porte et l'autre la fenêtre. Arrivé en bas plus vite que sa compagne de fugue, le pangolin se dit qu'ils auraient mieux fait de faire l'inverse, vu que, par la fenêtre la marche était un peu haute. Mais enfin, il avait l'écaille robuste l'animal et se mettant en boule il put aisément rebondir sur la pelouse et franchir la haie ouvrant sur l'avenue.
" 好吧,这不是我们要撕毁的全部还是我们现在要走 ? " Ah, excusez-moi, c'est vrai que vous ne maîtrisez pas encore parfaitement le chinois, surtout si vous n'avez pas lu les épisodes précédents. Au début, le mandarin ça été dur, mais là ça va, même si je l'écris mieux que ce que je ne le parle... " Bon c'est pas tout ça, dit-il, il faut qu'on s'arrache de là maintenant. Où on va ? " Dotée d'un bon pif, avec l'avantage supplémentaire de survoler la situation, l'agile noctambule ailée proposa au quadrupède pataud de la suivre dans le dédale obscur de la mégalopole.
La petite bête venait en effet de flairer quelques effluves familières par delà le fleuve. Sans compter que dans la froidure mutique de Wuhan, chants et cris divers étouffés mais bien réels, s'insinuaient entre les strates.
" Nous franchirons le Yangtze à Xiongchu, puis remonterons Qingniam. Et là, je t'en dis pas plus ! mais nous devrions bien nous amuser..." Nous amuser, nous amuser ! l'ami "pango" qui avait fait du lard dans sa cage depuis six mois, surtout après que cette toux abominable l'eut enfin lâché, souffla plutôt comme un bœuf perdant régulièrement sa volatile compagne de vue. Certes un froid vif le prévenait de tout risque d'apoplexie, mais arrivé à Huanan market, langue pendante, il n'en revint effectivement pas. "Alors ? " lança-t-elle en même temps qu'elle lui décochait un lumineux clin d’œil dans l'aube noire. Il lui adressa, en réponse, un pouce en l'air qui lui donnait quitus.
Cela fait des mois, peut-être un an que ce manidé dans la force de l'âge n'avait plus boulotté un bon petit serpent ou un tilapia de derrière les égouts. Au labo, on ne lui filait jamais que des fourmis, des fourmis encore des fourmis et parfois, le dimanche, un bouquet de termites. Rien de mieux pour briser la monotonie qu'un marché grouillant de toute espèce, des plus étranges et probablement des plus lointaines. Il rêvait notre pangolin revigoré, ivre de tant d'espace et de ces puanteurs chamarrées, lorsqu'un aboiement lugubre et une agitation subite l'interpelèrent. Il surprit alors sa partenaire de cavale en grande explication avec toute une compagnie animalière, se justifiant. C'est qu'un de ces chiens rasés et quasiment prêts à cuire, un vulgaire corniaud, s'était essayé à la gober d'un seul coup de gueule. Mal lui en prit, elle le punit à la truffe qu'il ne cessait de se frotter sur l'échine couverte de sang. M. Xuhzon hurla son courroux devant l'état de son clébard qu'il ne vendrait plus autrement qu'en pièces détachées.
Ils rigolaient ferme les deux collègues évadés du labo et auraient pu s'éclater bien plus longtemps s'ils n'avaient pas eu le mauvais instinct de s'arrêter taper la causette à leurs congénères emprisonnés. "Nous aussi sifflait la pipelette, nous étions en cage ! Pas plus tard qu'hier encore..." Mais tandis qu'elle s'apprêtait à développer devant une ribambelle de malheureuses semblables son histoire palpitante, elle se retrouva enfermée dans un filet. Et tandis que Mme Xuhzon tenait l'épuisette plaquée au sol, elle prit un torchon épais pour saisir la bestiole qui cette fois ne put décréter "chauve qui peut". Il s'agissait d'un rhinolophe, variété très recherchée, familière des steppes d'Asie, des labos scientifiques et des cuisines traditionnelles. Dans le même instant, M. Xuhzon - ce n'était pas le propriétaire du chien mordu, mais un cousin - dit à sa femme : " 看,我赶上了穿山甲 " Oh ! pardon, toujours ce mandarin qui me trotte dans la tête : " Regarde, j'ai rattrapé ce pangolin qui s'est échappé de la cage ..." Il ne croyait pas si bien dire, Xuhzon, même si ce n'était pas de la sienne...
Mais pour l'exemple, le couple qui tenait une échoppe de dégustation de spécialités et de vente à emporter, décréta que les fugitifs seraient les premiers à l'honneur de la cuisine matinale. La petite chauve-souris s'en alla agrémenter une soupe fameuse avec une dizaine de ses récentes mais trop brèves relations, tandis que le pangolin fut braisé dans ses écailles. Une tuerie à ce qui se dit !
D'ailleurs, il n'est pas 7 heures lorsque Jiao et Liang, de jeunes mariés tous deux journalistes au Wuhan Post sortant d'une harassante nuit de garde, s'installent dans une cour étroite où brûle un brasero multifonctions. C'est de lui que jaillit un petit supplément de lumière, qu'émane un filet de chaleur et crépitent les serpents emmanchés sur de fin bambous et notre ami, feu le pangolin.
Le couple prépare depuis le début de l'automne son voyage de noce en Europe. Fervente catholique - bien que n'en faisant pas trop état à Wuhan où ce n'est pas forcément la meilleure confession - elle projette d'assister à la Porte ouverte de Mulhouse. " Bon si tu veux, mais s'il y a un match dans le coin, j'irai pendant ce temps. J'adore le foot italien ! "
Et tandis qu'elle termine sa délicieuse soupe de chauve-souris et qu'il cure la dernière écaille de pangolin comme une feuille d'artichaut, Jiao et Liang concluent ainsi définitivement leur voyage tout proche et pour quinze jours sur le vieux continent...
Ainsi s'achève le troisième épisode de notre voyage dans les quartiers animés de Wuhan. Nous poursuivons ce flash back haletant, tandis dans que nous étions entrées dans les rues désertes d'une bourgade où l'on capture les récalcitrants, puis descendu dans un QG secret où la lutte contre l'invasion virale s'organise fiévreusement.
Je rappelle qu'il s'agit là d'un scénario d'anticipation qu'auraient pu, qu'auraient dû écrire les maîtres du film de science fiction. Mais comme le terrain est libre, je vous y entraîne de temps à autres. Cela nous distrait de la réalité...
"Drôles " de nouvelles
- Bernard Arnault, PDG de LVMH, renonce à une partie de son salaire en raison de la crise, et une baisse de 30% du dividende au titre de l'exercice 2019 sera proposée lors de la prochaine assemblée générale. Alors ça, mon Nanard c'est vachement généreux.Déjà que tu avais lâché un max de blé pour Notre-Dame, toi tu finiras au paradis ! Et je me demande si une petite souscription pour ta fondation ne serait pas la bienvenue ?
- Les commandes de bolides de luxe Ferrari sont au plus haut, malgré la crise planétaire. Les cinq nouveaux modèles présentés par Ferrari en 2019 "ont reçu une réponse enthousiaste du marché" et "soutiennent notre portefeuille de commandes pour 2020, qui reste plus fort que jamais", annonce Louis Camilleri lors de l'assemblée générale des actionnaires à Amsterdam. Ça, à tous les coups, se sont ceux qui trouvent que leur livret A à la Caisse d'Epargne ne rapporte pas assez. Comme le leur a recommandé leur ministre Le Maire, ils préfèrent investir ! Mais dans les commandes, il ne doit pas y avoir M. Arnault. Désolé, il sera trop "juste" cette année.
- Et dire qu'il y en a qui rechignent encore à faire médecine, sous prétexte que ça rapporte pas assez ! Suivez l'exemple du docteur Cymes que diantre ! D'après l'hebdomadaire Capital, la vente de ses sociétés liées à ses activités médias lui ont rapporté 6,5 millions ! Je suppose qu'il s'agit d'euros et pas de roupie... de sansonnet. Et l'on n'inclut pas là, ses dividendes, appointements divers, droits d'image et procès, puisque le brave homme este en justice lorsqu'on en profite. De sa belle, de son auguste image. Bon enfin, maintenant que l'on connait un peu mieux les chiffres, on comprend également mieux pourquoi ce bateleur, ce businessman de la petitesse humaine, est l'animateur préféré des Français !
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