Vous verrez quand vous serez vieux - je dis ça dès fois que j’aurais des lecteurs plus jeunes que moi, ce qui serait déjà une bonne nouvelle en soi - il est un plaisir supérieur à l’éclair au chocolat du dimanche, lorsque les dents, les cheveux tombent et les genoux grincent, c’est celui de mieux jouir d’apprendre. D’éprouver la conscience du contentement par la connaissance. Je ne sais pas vous, mais il me semble que tant que l’on a les mains dans le cambouis ou la tête dans le sac de statistiques, on se consacre et se concentre aux exigences du quotidien, la marmite en train de bouillir et les enfants de grandir. Ce n’est qu’ensuite, l’âge venu, le temps passant trois plus vite, la mort venant, que l’on redécouvre le plaisir du savoir, l’agrément de s’élever, non plus socialement, mais philosophiquement. C’est mon cas et je loue à la fois France Culture, cette antenne radiophonique immuable, censément indéboulonnable, mais que les obscurantistes de la Macronie aimeraient fondre dans un vaste service... privé de sens et de connaissance. Internet aussi qui, avant de nous précipiter dans le marigot des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, nous a tout de même ouvert de belles fenêtres sur le savoir universel. J’ignore combien de fois par jour vous ouvrez, en ligne, Wikipédia, le Robert et les sites spécialisés ? En ce qui me concerne, c’est entre dix et cinquante fois par jours… parce que je me retiens ! J’évoquais une quête philosophique, il y a de ça, mais il me semble et il est impossible de ne pas le corréler à l’âge, qu’elle redevient en premier lieu, métaphysique. D’où l’on vient ? On commence à en avoir une petite idée. Ce que l’on fait là ? On est en droit de se le demander. Où l’on va ? La voilà la question qui nous taraude et l’on se prend à croire… « aux forces de l’esprit ».
C’était donc la semaine dernière sur « Culture », une émission consacrée à Gramsci. Antonio. Avec un prénom pareil, les fans de Bardella et Hanouna, les followers d’Attal et Mbappé pourraient aisément le confondre avec l’un des acteurs nominés à Cannes ou un sportif ayant atteint la deuxième semaine à Roland-Garros. C’est bien essayé, d’autant que les italiens assureraient plutôt, question cinoche et tennis, mais ce n’est pas exactement la bonne réponse. Antonio Gramsci, c’était un petit homme dont le revers devait être très perfectible, mais dont la droiture des convictions de gauche, l’ont conduit dans les geôles de Mussolini. Élu député en 1924 au nom du Parti Communiste Italien qu’il venait de créer, il fut incarcéré par le Régime fasciste de Mussolini sous l’accusation de : conspiration, d’instigation à la guerre civile, d’apologie du crime et d’incitation à la haine de classe. Tout est dans l’intitulé ! De santé précaire, il mourra après onze années de prison durant lesquelles il aura servi la nation italienne et l’humanité, au moins autant que s’il avait eu l’honneur de la liberté. Il y écrira une trentaine de cahiers qui, en complément de Marx, ouvrent un autre champ des possibles sur l’ordre social, l’organisation de la société s’affranchissant d’un capitalisme hégémonique et tyrannique pour le prolétariat qu’il soit, du reste, ouvrier ou paysan.
J’ai choisi d’évoquer Gramsci, parce que pour en finir avec le vieux monde libéral incarné par Macron, pour éviter le désastre démocratique que promettent les Nationaux-fascistes des Le Pen, la voie ouverte par ce grand penseur de l’humanité s’affranchissant d’une classe dominante illégitime, reste la seule qui doit animer le Nouveau Front Populaire. La justice sociale, l’égalité des vies, la solidarité internationale, la fraternité des peuples ne s’apparentent en rien à des visées extrémistes, elles sont constitutives de l’existence humaine. Un jour, sans doute conseillé par un de ses proches aussi torves que lui, Sarkozy emprunta à Gramsci, cette formule : « le pouvoir se gagne par les idées ». Certes c’est un bon début, mais ceci est un peu court, surtout lorsque les idées en question sont dégueulasses. Je retiendrai plutôt celle-là : « L’erreur de la masse consiste à croire trop et à interroger trop peu. » Ou encore : « Je hais les indifférents. L’indifférence est le poids mort de l’histoire. » Enfin : « Le vieux monde se meurt. Le nouveau tarde à apparaître. Et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Toutes ces citations prennent, par les temps présents, une résonance très particulière, la dernière surtout et je sais qu’ici, nul n’a besoin d’un dessin. Peut-être juste d’un peu de motivation pour poser sa pierre à l’indispensable édifice de Résistance.
Voyez-vous, aujourd’hui, chaque fois qu’un petit député arriviste et bien coiffé de la macronie, une présidente d’Assemblée, un entrepreneur plein aux as, évoquent un candidat de la France Insoumise, pire encore s’il s’agit de Philippe Poutou, c’est du Diable en personne qu’ils semblent éructer. Parce qu’ils détestent les concepts d’égalité, de partage, d’humanité et n’obéissent plus qu’aux puissances de la finance. Ne les laissons plus nous traiter d'extrémistes à tout bout de champ. Écoutons l’hommage rendu en 1996 par l'historien Eric Hobsbawm à Antonio Gramsci : «Tu es mort depuis soixante ans, mais tu vis dans le cœur de ceux qui veulent un monde où les pauvres aient la possibilité de devenir de vrais êtres humains.» |
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