J’sais pas pourquoi j’aime bien Saint-Etienne ! Pas pour Rocheteau ni le football, auquel je n’ai jamais rien compris. Pas non plus pour son architecture ! Bien que je n’y aie réellement mis les pieds qu’à Geoffroy-Guichard (pour y commenter des matches de rugby) puis dans deux restaurants du centre et je crois qu’il faisait nuit. Vous me direz, il fait toujours nuit à Saint-Etienne ! C’est pas non plus pour Manufrance, l’ancienne usine bonne à tout fabriquer, du fusil pour tuer le lapin, jusqu’à la casserole pour le mijoter. Mais enfin c’est vrai que j’ai appris à lire dans le Chasseur Français auquel mon père était abonné et il y avait des pages et des pages de petites annonces toutes aussi distrayantes les unes que les autres, à condition de s’intéresser à la saillie d’un braque de weimar, à l’attelage presque neuf d’une Peugeot 403, d’un couple de tourterelles, ou d’un assortiment de grilles pour hachoir à viande... Parfois il y avait des dames en tenue légères, mais c'était pas Playboy non plus ! Il m’arrivait de tout décortiquer et si cela peut paraître étrange, j’avancerai pour ma défense que je n’avais pas encore de portable avec candy crush, le solitaire, pas même le serpent le plus basique. Ah si ! je crois que j’aime Saint-Etienne, depuis que j’ai entendu la chanson de son enfant superbe, Bernard Lavilliers, qui la chantait si profondément, comme on chante généralement si bien sa ville de naissance : On n'est pas d'un pays mais on est d'une ville, Où la rue artérielle limite le décor, Les cheminées d'usine hululent à la mort, La lampe du gardien rigole de mon style… A une autre échelle, c’est-à-dire en miniature, Saint-Etienne n’est pas loin de me rappeler mon Graulhet, naguère à l’industrie florissante, à la fierté du labeur, au club sportif emblématique autour duquel tout le monde communie le dimanche et puis, un jour à force de profiter de cette manne, les patrons, au lieu d’investir et de se diversifier, se font mettre en faillite par la Chine ! C’est vite schématisé, mais je n’ai pas que ça à faire... Enfin bref, il y a du malheur chez les Stéphanois. Et pas seulement pour les supporters de l’ASSE qui est sortie des radars et se traîne en deuxième Division en milieu de classement derrière… Rodez !!! Non, il y a plus grave que le devenir de 11 nantis qui tapent dans un ballon. Là, c’est l’avenir d’un fleuron du commerce de grande surface qui se joue ! Casino. Une autre institution. Pour nous les boomers, les seuls qui n’avons pas - encore - connu de guerre à proximité, c’était quelque chose, Casino. Nous en avions un par quartier ou presque. Je me souviens, ma grand-mère faisait jouer la concurrence avec la Coop. Il y en avait un en bas de la rue des Peseignes et l’autre tout en haut, qui donnait sur l’avenue Victor Hugo. On n’était pas encore submergés de prospectus, ni d’alerte Google. Elle allait chez l’un puis chez l’autre et se déterminait en fonction des réclames. Un jour mémé mourut et tant mieux pour elle, car peu après Casino s’en alla s’installer en périphérie à … Albi ! Trente bornes plus loin. Et ils se sont crus malins, les énarques qui repensaient la ville et les modes de vie ! Allez, hop prenez vos bagnoles et au supermarché sous les jolies tôles ondulées qui défigurent le paysage. Tous les moutons y sont allés, applaudissant de leurs sabots, et les petits résistants des centre-villes en ont vite crevé. Seulement à ce jeu là, Casino n’a pas décroché le jackpot ! Il s’en manque. Cela fait des années qu’il surnage dans un océan d’offres où dominent Carrefour, Super U, Leclerc et Intermarché. Si ! à Aumont-Aubrac il y en a un qui s’est installé. A la place d’Auchan. Nous y sommes allés deux fois ! Il n’en faut pas plus à un cerveau médiocre pour réaliser que c’est bien plus cher qu’ailleurs. Il paraît que c’est de la qualité. Ah bon ! Ben le problème c’est qu’on a pas trop les moyens d’aller chez Fauchon, nous les fauchés ! A Laguiole oui, mais on n'est pas de Laguiole ! Enfin bon voilà, ces Casinos-là, faut y aller avec beaucoup de jetons et encore pas sûr de gagner quoi que ce soit, car ces bandits ne sont pas manchots ! Du coup y a le feu dans la boutique et les fermetures succèdent aux licenciements de manière alarmante. Dimanche il y avait près de quatre mille manifestants pour réclamer des mesures de sauvegarde de l’emploi et de la marque, symbole fort d’une ville et d’un pays. Tiens, j’observe que même là, la préfecture n’en a trouvé que 1600 qui battaient le pavé ! Faut dire qu’il y avait la CGT au milieu ! Et quand il y a la CGT, on divise au minimum par trois. Avec les retraites c’était parfois par cinq qu'ils mentaient. Mais ces manifs avaient droit à un… régime spécial. Enfin voilà, Casino aux portes de la liquidation, c’est un peu plus de notre patrimoine qui s’effondre et qui nous fait aussi tristement vieillir. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire