Il y a en France plus d’entraîneurs de football que d’historiens. Sans vouloir me montrer trop dédaigneux - on va laisser ça à Macron et son espèce –, faut reconnaître que ce n’est pas plus mal ! Parce que si l’on traitait l’Histoire au Café du Commerce comme on parle de sport ou d’immigration, la pauvre finirait en lambeaux, dépenaillée, prête - elle aussi – à voter Le Pen ! Mais enfin nous sommes ici entre gens de bonne compagnie et si nous avons moins de chance de toucher le tiercé, on court aussi moins de risque de raconter des conneries. Tout ça pour dire que, si cela vous avait échappé, c’est le premier mai 1968 que la dernière révolte significative a pris de l’ampleur et devint ce que nous savons. Certes sur fond de guerre du Vietnam, de lutte entre mouvement étudiants gauchistes et d’extrême-droite, d’arrestation de Cohn-Bendit (devenu cinquante ans plus tard l’un des chantres de la macronie !!!), le climat social se dégrade dès le mois d’avril. Si l’on veut le confronter aux quatre premiers mois de cette année 2023, on peut tout de même avancer sans risque, que la contestation et l’exaspération liées aux retraites, à l’écologie, à l’état policier, n’ont rien à envier à soixante-huit. Et c’est donc le premier mai de cette année-là, que le mouvement de protestation, la rébellion d’une bonne partie du monde ouvrier et des jeunes, entamèrent leur convergence pour remettre en cause un mode de gouvernance aussi bien que de pensée, à la fois autoritaire et désuet. Cela faisait quatorze ans que ce grand rendez-vous Républicain avait été interdit - en 1954 donc - par le gouvernement de Joseph Laniel, un joyeux drille qui avait voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. L’argument est simple. En pleine débandade de Dien Ben Phu et la perte de l’Indochine, la France redoute la contagion alors que les mouvements pour l’indépendance de l’Algérie s’activent de toute part. Or donc, va-t’en voir quelle mouche a piqué Pompidou d’autoriser le défilé de soixante-huit. C’est une masse humaine qui se presse entre République et Nation. La ferveur populaire annonce la suite. Le lendemain, la Sorbonne est en flamme, le pays en révolte, l’économie à l’arrêt. Et il faudra attendre les premiers jours de juin pour que vienne l’apaisement. Voici donc, me semble-t-il, un bel encouragement pour tous ceux qui vont donner de leur présence, de leur personne et de leur casserole, pour dire que ça suffit. De Macron, son libéralisme, ses super-profits, sa croissance, sa consommation, son progrès, son saccage de la nature et ses réformes brutales, anti-sociales, on ne veut plus ! Cependant, soyons honnêtes et lucides : si les gens se sont mobilisés, mais si surtout une grande majorité de la population est hostile à Macron, c’est parce qu’elle est concernée par ces mesures. Tous les actifs – y compris de droite - ne veulent pas travailler deux ans de plus. Mais on s’aperçoit que la plupart des retraités - essentiellement de droite – sont eux très favorables au report, puisqu’il ne sont pas concernés. Il s’agit donc d’une hostilité opportuniste, mais nullement d'un changement de mentalités. D’ailleurs, si quatre-vingt pour cent sont contre la retraite à 64 ans, ils sont à peu près le nombre à être hostiles à l’immigration. Ouais … c’est pas gagné ! Vous me direz aussi que 1968 n’a pas abouti sur grand-chose en termes d’acquis sociaux et sociétaux. C’est un peu vrai car la grande carcasse du Général déployait encore son aura de la deuxième guerre mondiale sur le pays. Une grande contre-manif en fin de cycle le conforta même. Et ce fut un raz de marée au Palais-Bourbon. Sauf que quand même. Un an plus tard, de Gaulle était désavoué par référendum (tiens ! au fait Macron, tu veux pas essayer le référendum ? ) et six ans plus tard, c’était le vote à 18 ans, le droit à l’avortement et un premier déverrouillage de l’oppression étatique. On me rétorquera aussi que le laxisme dans l’éducation - résultant du beau slogan « jouir sans entrave » - eut pour conséquence un affaiblissement de l’autorité et dont de l’éducation, conduisant à une relâchement dont les nouvelles générations témoignent des effets. Mais enfin ce ne sont pas les slogans de 68 et le combat social qui sont responsables du massacre écologique, de la surconsommation, de la perte des valeurs familiales et fraternelles. Si les jeunes ne lèvent plus leurs yeux de leurs portables et passent un bac factice, ce n’est ni la faute à Alain Krivine ni à Georges Séguy. Pour de tels exploits, on applaudira plutôt les champions de la mondialisation et du libéralisme, les sieurs Arnault, Steve Jobs, Mark Zuckerberg, leurs obligés élus à la tête des États et tous ces malfaiteurs de l’Humanité. Mais rien n’est jamais perdu. Et même si c'est le cas, faut faire comme si le nôtre ne l'était pas.
Aujourd’hui, c’est pour une belle cause, un doux rêve que l'on descendra dans la rue : liberté, égalité, fraternité ! |
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