Vendredi 9 décembre 2022
Bernard Arnault, maillot jaune des forbans
On se dirigeait tout droit et tristement vers une journée plate, comme l’on n’en connaît plus guère depuis que rien ne va nulle part en ce bas monde. Un temps gris comme mes tempes, une actualité morne, me conduisait inexorablement vers une suspension de cette Mélanchronique à laquelle vous avez repris goût, si, si, ne me dites pas l’inverse, je le sens bien et m’en réjouis ! Et puis, il était quoi (?) 18 heures, lorsque m’accordant une pause bien méritée dans mon oisiveté, je consultai les informations que je me suis choisies sur mon portable. Car oui, je le concède, si je ne regarde plus du tout la télévision et n’écoute que la tranche matinale de France Culture, je me tiens un peu informé. Sans quoi, d’où voudriez -vous que je tire l’inspiration ? En la matière, l’imagination et la divination atteignent rapidement leurs limites. Par internet, je suis abonné au Média et au Canard réfractaire - faudra que je vous en parle d’ailleurs sans tarder, car ils ont besoin de nous – et Médiapart évidemment, sans lequel le pouvoir libéral serait sans garde-fou. Tout cela ne pèse pas assez et même bien peu, face à nos contempteurs, les maîtres du jeu et de la pensée unique libérale dont la redoutable efficacité se mesure à la molle approbation, à l’inertie intellectuelle, d’une petite partie de cette France qui se coopte et se complet dans son égoïste médiocrité.
Donc, vers 18 heures, j’ai découvert l’info qui m’a remis en selle. Bernard Arnault a été un moment en tête du classement des hommes les plus riches au monde. Quelle fierté quand même ! Tenez, j’en frissonne encore d’émotion. Un peu comme lorsque Bernard Hinault s’envolait dans le dernier col, pour franchir les Champ-Elysées en jaune. La comparaison tient plus qu’il ne vous paraît, car outre leur presque homonymie et un régime spécifique pour en arriver-là, ce sont surtout des exemples pour notre jeunesse et une fierté pour notre pays. Arnault en maillot jaune du business mondial, cela donne un autre image du pays, que ces gueux de gilets jaunes cassant le Crédit Lyonnais !
Il aurait donc détrôné son grand rival Elon Musk et cela aussi relève de la performance inouïe ! Un type qui fourgue des parfums, des crèmes, des foulards, de l’info - du vent en somme - fait la nique à un Américain super-puissant, fabricant de bagnoles et de fusées prêtes à annexer Mars !
Toutefois ce fils à papa de Roubaix - qui ne devait pas habiter côté pavés -, ne s’est pas contenté de transformer les bourgeois en gravure de mode… il a avalé de grands groupes commerciaux, des banques, d’immenses biens immobiliers, il s’est aussi accaparé la presse et surtout la télévision, pour mieux les museler. On connaît son goût très prononcé pour la liberté d’expression, depuis qu’il a espionné François Ruffin et son petit journal Fakir, lorsque le futur député NUPES avait sorti cette enquête, révélant comment Arnault fermait les usines en France, pour délocaliser là où la main d’oeuvre ne coûte rien !
Évidemment pour ce dessein-là, il s’est trouvé toute une bande de redoutables alliés, dont son fameux pote de Niel et le petit Lagardère qui, bien que raté par son père, continue de barboter dans ce joli marigot sarko-macronien. Toute une phalange de richissimes gredins, dont on aimerait se moquer, s’ils n’étaient complices de la misère qui frappe une bonne partie de notre pays. Ces douze millions de gens qui se foutent bien, après tout, de leur luxe à la noix, de leur indécence - ils se foutent hélas de tout, même des élections !- , mais qui se contenteraient déjà d’un bout de pain quotidien.
Arnault - sans qu’il y en ait un de respectable dans cette engeance - préserve comme au classement de Forbes, une place de leader. C’est lui, par exemple, qui mena la fronde contre Hollande - le furtif ennemi de la finance ! -. Démontrant que LVMH était plus puissant que l’Etat français, il a littéralement converti - sans avoir à faire appel à la torture – le soi-disant socialiste, à l’ultra- libéralisme. Mais enfin, aviez-vous noté que cet excellent Français, avait pris la nationalité Belge pour ne plus payer d’impôts chez nous ? En résumé, il voulait bien vendre ses cochonneries hors de prix aux nantis du pays, mais ne plus participer à la redistribution, aux hôpitaux, à l’aménagement du territoire et surtout à la solidarité nationale. Cet acte de bravoure, lui valut quand même ce titre inspiré de Libé : « Casse-toi riche con ! »
On mesure bien l’état d’esprit du personnage et à quel point il s’accorde avec la personnalité de Macron. C’est la raison pour laquelle, Arnault prit en charge avant 2017, la carrière du petit banquier pour en faire, à sa main, le futur président de la République. De sorte que nous ne sommes plus tellement dans une démocratie sociale et républicaine, mais sous le régime d’une régence oligarchique à la seule dévotion de la finance. Et c’est en cherchant les liens puissants et organiques - j’allais écrire orgasmiques - entre les deux hommes et comment les fortunés ont fabriqué Macron de toute pièce, que je suis tombé sur l’excellent papier d’un magazine littéraire *, qui saluait en 2019, la parution du brûlot « Crépuscule » de Juan Branco :
« Ces êtres ne sont pas corrompus. Ils sont la corruption. Les mécanismes de reproduction des élites et de l’entre-soi parisien, l’artistocratisation d’une bourgeoisie sans mérite, ont fondu notre pays jusqu’à en faire un repère à mièvres et arrogants, médiocres et malfaisants ». Le sulfureux avocat des minorités et auteur révolutionnaire, multiplie les exemples et les preuves. Et rien ne vous empêche de vous le procurer, puisque la justice - que le capital n’est pas totalement parvenu à acheter – n’a pas prononcé son interdiction.
Je saute du coq à l‘âne - ce que les riches sont alternativement - en pensant à McKinsey et au COVID, puisque ces serpents-là, se mordent la queue. Arnault s’est encore enrichi avec le célébrissime virus. Non qu’il ait inventé un vaccin Dior ou qu’il ait créé des masques Vuitton ( il en aurait été capable, il est capable de tout…), mais en confiant à ses unités de production, la fabrication à grande échelle de gel hydroalcoolique. Gel dont le pouvoir macronien fit une publicité démentielle et naturellement gratuite ! Tous les ascenseurs sont bons à renvoyer – comme les encenseurs d’ailleurs...
Au fait, il y avait aujourd’hui, une autre info que j’ai négligée, en sachant qu’elle prendrait prochainement bien plus d’ampleur et donc de place dans cet espace. Les syndicats ont été reçus par la première ministre à propos des retraites. Pour une fois unis, ils ont averti qu’il ne faudrait surtout pas dépasser les bornes. Et comme elle n’a évidemment rien écouté, tout porte à croire que même en cas de coupures, il y aura de l’électricité dans l’air en janvier...
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