mercredi 18 août 2021

Denis Gibelin laisse Nasbinals et par dessus tout la Route d'Argent bien seuls et tristes...


18.- CHAPEAU GIBUS ! Au risque de passer pour un nécrologue compulsif - ce qui n'est d'ailleurs pas faux... ni interdit - je vais évoquer la perte d'un copain. C'est un peu ma manière, plutôt que d'aller faire semblant aux églises ou de pleurer sur les tombes, de manifester ma tristesse et mon affection pour ceux qui ont l'indélicatesse - ou le contraire, j'en sais rien ! - de passer devant.
Méfiez-vous donc que cela ne vous arrive...
L'exercice est bien plus périlleux ici qu'en bien d'autres affligeantes circonstances. Car lorsque je m'avisais de le prendre en photo ou de le filmer, Gibus - Denis Gibelin, ci-devant et les pieds aussi - me gratifiait de tous les noms d'oiseaux, dont celui de "cono" probablement le plus délicat et amical de tous les jurons... La dernière fois que je l'ai vu, c'était le 13 août assis sur la margelle devant Bastide où, à la manière du Pornographe de Brassens à son bacon, ce vieux grincheux à la barbe pourtant bien rangée, regardait passer les cons. Ceux qui sont plus nombreux que l'année dernière, riait-il, car ils sont arrivés plus tôt, tandis que les autres n'étaient pas encore repartis !
Gibus passait pour un ours. Ce n'était pas usurpé et, en Aubrac cela n'avait rien d'incongru. Ni de scandaleux. Il poussait la pensée anarchique, manichéenne et très légèrement excessive à être contre tout ce qui était pour et pour tout ce qui était contre... Ce n'était pas la moindre de nos convergences, même si je concède avoir reconnu en lui un maître et même un double maître...
On rigole, on rigole mais c'est tout Nasbinals qui est touché et malheureux. Et entre toutes les maisons, celle de Bastide à la Route d'Argent. Bernard, Daniel et sûrement Jocelyne aussi avec laquelle il ne se passait pas un matin sans qu'ils ne s'allument, mais conservaient suffisamment de gentillesse intrinsèque pour surmonter toutes les tempêtes matinales et toujours recommencer. Dix ans durant, peut-être plus !
C'est finalement le virus qui aura raison de Gibus. Car au début de la pandémie il rendit son tablier, l'institution nasbinalaise se mettant en sommeil comme le reste des beaux endroits du pays où il faisait bon vivre.
Délaissant son légendaire tablier bleu, son percolateur et ses coups de sang qui n'épargnaient pas les touristes pourtant plus agréables que bien d'autres ailleurs, il se vissa sur le dernier siège au fond du bar plein nord, chaussant ses lunettes et martyrisant les pages jeux de Midi-Libre. Un bon whisky à l'occasion, mais toujours l'un après l'autre, il encourageait Seb et Damien le matin, Jérôme et Daniel le soir. Plus sombre et las que de coutume, il ne sortait plus son vieux 4 X 4 - celui dans lequel il lui arrivait de s'endormir à cinq mètres de chez lui - pour rendre visite aux biches du pays et observer hermines et compagnie.
Denis pronostiquait depuis quelques semaines qu'il n'irait plus très loin. Ses vieux complices Albert, Bernard (Chayla et Boudon) et tant d'autres ne s'en méfiaient pas. Pourtant le souffle manquait, l'envie de vivre aussi. Sa compagne et de nombreux amis dont Bébert de la Rosée l'appelaient.
Il a choisi le moment de partir. Et c'est un privilège...

 

Avec Seb son successeur matinal derrière le comptoir de la Route d'Argent à Nasbinals et Bernard son vieux complice de toujours...

Le vieil ours solitaire savait aussi jouer les tontons gâteau. 


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