vendredi 5 février 2021






4.- ASTRAZENEKA OU PFIZER BIONTECH ? - Un rayon de soleil, moins de neige et de boue sur les chemins familiers. Nous avons repris nos rondes de surveillance de notre santé. Machinalement je dis à Marie qui allait devant moi : " Dans quelques temps on entendra les alouettes..."
Quand on marche, on philosophe !
J'avais dû prononcer les mêmes mots, en tout cas de telles prédictions, les années précédentes. Ceux du bien-être qui précède d'autres maux. Bientôt je me laisserai aller à pronostiquer la sortie des jonquilles, des anémones pulsatilles, puis des jolies filles à cornes dans leur robe de velours fromenté.
Si j'avais le goût de l'aventure, je me dirais : mon coco, là, tu radotes ! Il est temps que tu ailles découvrir autre chose sur les vastitudes de l'ailleurs. Maritimes, sablonneux ou glacés. Mais je ne suis pas aventurier. A peine aventureux à l'extrême rigueur. Je me fous de parcourir les océans, de braver le désert, de chasser le phoque pour subsister. Et de raconter tout ça aux gogos ébahis. Pour briller ! A la télé.
Il me fallait vivre en Aubrac. Tous les matins je suis heureux de l'avoir atteint. J'ai vu tomber la neige et la température comme jamais depuis le temps de mon enfance amoureuse de ce territoire montagneux sans équivalent. Et je me suis laissé aller à cette sentence : maintenant je peux mourir !
Cela paraît abrupt et même un peu jeune, mais c'était sincère. Toujours en évitant congères et torrents compliquant nos pas, je me suis demandé s'il était bien utile d'entendre chanter les alouettes pendant encore vingt ans ! Elles sont bien étranges et folles lorsqu'elles gravissent le ciel comme un tir de fronde en pipillant à qui mieux-mieux avant de se laisser choir comme une pierre de volcan. Humer mon bouquet de narcisses. Déclarer ma flamme aux vaches et rigoler avec le taureau. Grivoisement. Mais prudemment.
Qu'est-ce que je connaîtrais de mieux que l'accomplissement dans la simplicité d'un pas sur cette terre solide et pure, d'un café chez Bastide, d'une soirée à la maison avec Françoise, Michèle, Cathy, Brigitte, Zaza, Guy, André, Hervé, Alain et plein d'autres certes, d'un courriel de Danielle, de Léa ou mon Béo, de mes amis d'un blog dont je ne finis plus de douter, d'une poignée de framboises, de deux oeufs au plat de mes cocotes. De la belle compagnie de Marie. Ai-je vraiment besoin que cela recommence interminablement ? Et l'envie ? Suis-je même indispensable ? Comme Tapie ou la Reine d'Angleterre.
D'autant que lorsque passeront les prochaines alouettes, je ne les percevrai plus avec la même intensité, leur chant d'élévation entêtant mais joyeux ne me parviendra plus que par bribes diffuses. Puis confuses. Et dans la montée des Granges, il me faudra consentir à mes vieilles bronches diatoniques quelques pauses salvatrices.
Lorsque les genoux se feront toujours plus jaloux l'un de l'autre, me faisant le coup du blocage à tour de rôle ou d'un épanchement personnel m'obligeant à prendre la bagnole pour parcourir deux malheureux kilomètres, que la moindre pluie me ramollira, que la plus petite bise m'embarrassera, que je ne mettrai plus de sucre dans mon café, mais de l'eau dans mon vin, que je perdrai les clés de la maison, que mes cachets s'aligneront dans le semainier, que je ne mangerai plus qu'un bouillon maigre bien avant onze heure, que je n'aurai d'autre intérêt que le journal de vingt heures et les jeux de Naguy - ou du couillon qui ne manquera pas hélas de perpétuer la bêtise en questions -, peut-être même le concours de l'eurovision et le sport débilitant.
Lorsque quelques lointains amis - qui ne m'auront pas oublié ou me croyant déjà loin peut-être - m'annonceront la fin de Paul, Dédé, Eric, Christophe, Gisèle et que j'en serais plus affecté que par l'idée de ma propre mort dont je n'aurai jamais de nouvelles et n'en concevrai donc aucune chagrin.
Lorsque mes enfants ne viendront plus en été que de passage pour m'embrasser et qu'au moment où je voudrais leur parler, ils me diront : " bon papa, il faut qu'on y aille. Prends soin de toi et ne t'en fais pas, on reviendra..."
Lorsqu'un peu plus loin une place se libérera à l'Ehpad du coin et que je décrocherai avec brio et moyennant toute ma fortune une bonne petite chambre aux murs jaunes, joliment décorée avec les photos encadrées d'une ribambelle d'arrière-petits-enfants qui se moquent bien de moi et que seul un brave matou traversant la cour sombre sous les pluies de novembre retiendra un brin d'attention et même de sentiments. Lorsqu'une aide-soignante moustachue et revêche me gueulera dans les oreilles, m'éblouissant de ces lumières dont je ne voudrais plus, "Allez, M. Jaco on va changer la couche. On va vous installer dans le fauteuil avant de vous remettre au lit, d'accord ?" Qu'elle reviendra furibarde : "Ah !  il n'est pas gentil, M. Jaco. Il n'a pas touché à sa biscotte."
Quand je n'aurai plus la force de sourire, de pleurer, pas même de lui dire merde…
Alors, je regretterai peut-être de m'être fait vacciner.




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