jeudi 1 octobre 2020

 



29.- NON RESPECT DES GESTES BARRIÈRES (24e épisode, suite du 18 septembre) - Ça, Loupard, c'est un virtuose du libéralisme ! Un modèle, un génie. L’icône. Le président Norcam y pèlerine souvent pour lui manifester toute sa gratitude. C'est ce restaurateur qui a démontré à la France droitière béate et baveuse comment, avec six œufs à cinquante centimes pièce on peut les revendre une fois battus dans les trente francs. Soit une sympathique multiplication par dix ! Et rassurez-vous, depuis vingt ans ça fonctionne exactement pareil avec l'euro (38 euros même maintenant me souffle-t-on dans les oreillettes, mais je vous en prie ne soyons pas mesquins !). Une omelette à moitié prix dans n'importe qu'elle brasserie parisienne, personne n'en veut. Mais trente-huit euros dans les venelles escarpées de ce sanctuaire du consumérisme dûment béni par Saint-Michel en personne, ça les vaut et ça s'arrache ! 
Bon allez, je vous entends d'ici et pourtant vous êtes loin et vous n'avez pas encore lu ceci. Mais je vous l'accorde. Le père Loupard ne se contente pas de jeter six œufs battus dans la poêle. Il sépare les blancs et les jaunes ! 
- C'est pas comme nous qui nous mélangeons volontiers galéja Dumont-Pourriti en déglutissant de grandes lampées d'omelette tout en effleurant avec insistance le genou tremblant de Jiao. Les jeunes mariés étaient captivés, admiratifs lorsque l'avocat mima avec maestria la façon de monter les blancs en neige. Puis de les associer aux jaunes, au beurre et à la crème avec délicatesse, avant de les faire glisser délicatement dans la poêle puis d'en rabattre une moitié sur l'autre... 
Ce petit soufflet, dans l'ambiance cosy, les jolis parfums de cuisine et les subtiles bulles de cidre gonfla encore d'avantage l'ardeur des protagonistes. Toutefois, Liang qui avait testé avec curiosité et minutie plusieurs crus de cidre, s'effondra bien avant Avranches et il fallut le conduire dans sa chambre ce qui ne posa que peu de problème au solide Dumont, trop content de se débarrasser du brave époux. 
Et voilà ! le tour longuement mûri, patienté et fantasmé était magnifiquement joué. Lorsque Liang fut allongé et couvert, l'avocat saisit la petite main douce et légèrement moite d'émotion de Jiao et la conduisit sans un mot dans le salon obscur qui complétait le gîte. Il laissa la lumière du couloir allumée pour ne point l'effrayer et frôla délicatement l'échine tremblante de sa jeune proie. Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour que les amants s’enlacent et s'embrassent fougueusement. La jeune femme avait conventionnellement feint un léger recul - comme on respecte un geste barrière -, un temps d'arrêt aussi, marquant sa culpabilité, avant de satisfaire au dessein depuis longtemps esquissé par maître Dumont et dont elle n'était plus dupe. 
Sans fantaisie, il étreignit la jeune chinoise dont il dut réfréner les petits aigus menaçants de transpercer les murs pourtant épais du vieux manoir... Encore peu ouverte aux expériences érotiques elle s'était laissée guider et néanmoins combler par son aîné. Lui était resté sur sa faim, mais se satisfaisait amplement d'avoir ouvert la voix, convaincu qu'il y aura des jours plus fous et torrides. Car il avait pu prendre sans peine la mesure du potentiel de la jeune femme. 
Chacun avait regagné sa place légitime pour terminer la nuit dans l'espoir d'un réveil sans histoire. Effectivement, s'étirant en écartant très haut les bras comme s'il avait gagné le grand prix du mont Saint-Michel, Liang paraissait très satisfait de sa soirée et de sa nuit. Comme quoi une bolée de cidre et une nuitée en gîte confortable peuvent vous éloigner assez considérablement des rudes réalités du couple et de l'idée que l'on s'en fait. L'omelette était aussi légère que le prétendait sur son affiche le père Loupard et le pauvre mari s'enfila en guise de consolation deux belle tranches de far breton. Jiao ne décollait pas ses petits yeux du grand bol de thé. Dumont jubilait discrètement, mais fut brièvement déstabilisé par le sourire narquois et désabusé de Kim. Une fois revenue dans la chambre qu'ils partageaient pour l'occasion, la belle eurasienne passa à l'offensive. 
- Je t'ai attendu cette nuit ... 
- Ah oui ? J'avais quelques dossiers à repasser avant l'audience de demain. J'ai préféré m'installer dans le salon pour ne pas te déranger. 
- Je t'ai attendu, mais ensuite, je t'ai entendu. Nous venions de rentrer et de nous coucher. Lorsque vous avez conduit Liang dans sa chambre vous n'avez pas été très discrets. Pas plus qu'un peu plus tard lorsque la petite s'est mise à gémir. Tu étais bien sur un dossier, mais celui du divan. Et sur le parquet, ça fait du boucan. Je n'en revenais pas que tu ne t'en aperçoive pas. Peut-être as-tu pensé que Liang était suffisamment sonné pour ne pas entendre, mais moi... m'a semblé que ce n'était pas très respectueux. Mais j'ai surtout trouvé ça pathétique ! Tu pourrais être son grand-père... 
- Écoute, tu penses ce que tu veux et je comprends ta déception. Mais elle est majeure et je ne l'ai pas forcée. 
- Oui majeure et... jeune mariée. 
- Certes, mais ce sont des situations qui se produisent partout et tous les jours, mes jeunes confrères en ont des piles sur leurs bureaux à traiter. Et puis dis donc, je suis bien certain qu'avec Ramel vous n'avez pas fait que sucer des huîtres ! 
- C'est un fait. Mais le rapport était bien différent. Il n'y avait aucune faiblesse, aucune arrière-pensée. Je suis mûre, ouverte au libertinage - tu en sais quelque chose - et libre comme l'air. Cela fut vite fait, quelques câlins avec un vieux nounours déplumé, puis une pipe mollassonne. Pas de quoi arracher les rideaux... 
Tandis qu'ils embarquaient leurs bagages, Ramel salua ces hôtes 
- Revenez quand vous voulez (surtout toi, la belle eurasienne à la cambrure satinée se dit-il, tout en agitant les mains.) 
- Mais nous reviendrons cher confrère (surtout moi avec la petite une fois qu'elle sera dégrossie) lança-t-il enthousiaste. 
Dumont avait été averti dans la nuit par mail, mais c'est sur Europe 1 que les autres occupants de la voiture apprirent la nouvelle. Au terme d'une entrevue houleuse entre le président français Norcam et le Chinois Qan Zédidond-Zédond les relations diplomatiques entre nos deux pays étaient suspendus. L'ambassadeur Li Tchi bouclait dans le même temps ses valises, ce qui promettait d'ailleurs à Kim un nouveau trou dans son agenda. Qu'elle comblerait assurément sans peine, tant elle avait dû décliner d'offres de mission jusqu'alors. 
Liang qui aurait eu bien d'autres raisons de se désespérer, retombait en quasi dépression avec la confirmation qu'il ne reverrait pas Wuhan et les siens probablement avant longtemps. Mais outre l'exil en lui même, il allait devoir avec son épouse, essuyer l'hostilité grandissante de la population parisienne qui imputait tous ses malheurs, ces millions de victimes du tromarranvirus aux "chinois". Et qu'il soit Coréen ou Japonnais, tout être bridé et virant au jaune était susceptible de faire l'objet d'agression ou de dénonciation. Les expédition punitive se multipliaient à Choisy et dans le XIIIe notamment. Même chose en province avec par exemple l'incendie géant qui ravagea le parc commercial et les attractions géantes de la fête des lanternes de Calliag en Occitanie. 
Récupérant d'une nuit écourtée par la gloutonnerie de Dumont-Pourriti, même accablée de culpabilité, la jeune Jiao s'était endormie au fond du siège confortable de la grosse allemande de son premier et vieil amant, plus que jamais convaincue que c'était bien ici qu'elle ancrerait son existence. Le retour ne fut pas aussi paisible qu'à l'aller et c'est par trois fois que l'avocat dut présenter son autorisation de circuler, au prétexte d'une affaire compliquée, mais totalement bidon. 
- J'ai un petit appartement libre, non loin du mien rue de Lutèce. Ce n'est pas bien grand, mais c'est joliment agencé et vous y serez tranquilles. Vous avez entendu, ce n'est peut-être pas le moment de traîner sur le boulevards des Maréchaux et moins encore rue Dalloz. 
Kim pensa : " Mais quel salaud ! Il va peut-être falloir que je m'occupe de Liang. Il aura grand besoin d'être consolé et surtout de gagner en expérience, car la petite Jiao risque de beaucoup progresser dans les semaines futures...
Dumont-Pourriti tomba sur le visage illuminé de se voisine 
- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu es malade ? 
Elle serra les lèvres en une moue entendue tout en remuant la tête de gauche à droite... 
Et voilà, c'est fini. C'était bien non ? Avec une petite affaire de fesses - très propre et digne vous m'en ferez crédit -. Certes je ne vous ai pas raconté comment on allait vider les congélateurs, ceux qui servirent à stocker les victimes du Comic 19 et qui seraient revendus à prix cassés. Bien entendu vous auriez aimé savoir si la crise économique sans précédant en France entraînerait une chute du régime Norcam, voire même si les tensions internationales, avec la Chine évidemment, ne déboucheraient  pas sur un conflit généralisé. Et combien de temps Jiao supporterait le poids considérable de Dumont sur sa frêle constitution ? Et la durée de la cécité  du pauvre Liang ? Mais que voulez-vous, ainsi va l'envie... 
Ce soir j'en ai assez, mais qui sait ? Ma copine Léa - comment vous ne savez pas qui est ma copine Léa ! faudrait un peu vous tenir au courant ! - a commencé un truc aussi débile que le mien, mais talentueux et passionnant. Elle voulait n'en écrire qu'un. Elle se laissa tenter par une deuxième. Puis osa le troisième. Passa au quatrième et pondit encore six ! Un truc dont j'aimerai qu'elle le donne à lire. Alors voyez y a de l'espoir... 
Vous pourriez peut-être lancer une pétition sur Change.org. Il faudrait bien au moins cela pour me décider...





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