En sept ans de présence Lozérienne, je n’avais quasiment jamais mis les pieds à Mende. C’est pas que j’avais quelque chose contre, mais je n’avais rien à y faire. Et lorsque votre préfecture se situe à soixante kilomètres de chez vous, rien à y faire, ce n‘est pas assez ! D’autant que je ne roule ni sur l’or, ni en véhicule électrique. Une cathédrale originale, chargée d’autant de mystères que d’Histoire, ne me suffisait pas à démarrer ma Dacia, d’autant que, toujours un peu à l’encontre de la bonne société, je n’ai jamais éprouvé d’émotions particulières à embrasser ses lieux dont le passif est à mes yeux aussi lourd que les pierres de lave qui les élèvent. Enfin je me comprends… Je ne veux pas toutefois vous en détourner, le petit coeur de ville en colombages y est accueillant et agréablement frais, surtout l’été car autrement, c’est une fichue glacière. De Mende, je peux désormais vous faire une visite aux petits oignons. Enfin, surtout deux sites remarquables : l’hôtel de ville, occupé par un dénommé Suau - que personne ne connaît mais qui, comme tous les élus de conviction du parti socialiste s’est rallié à Macron - et la permanence du député, seul et unique du département, Pierre Morel-à-l’Huissier. Depuis le mois de janvier cet endroit est le plus visité de la cité et même probablement du département. Régulièrement - douze fois si mes comptes sont bons -, entre 1000 et 2000 manifestants s’accordent une halte d’agrément face à ce haut-lieu de la réforme des retraites. Vous me trouvez grandiloquent ? Vous avez tort ! Certes Morel, bon vieux défenseur du libéralisme le plus crasse, celui du pognon et de l’égoïsme forcené, appartient génétiquement à cette droite qui règne partout où prospère la bourgeoisie provinciale et l’opulente ruralité. Mais celui-ci se distingue de cette représentation nationale - si peu représentative de la réalité sociale du pays -, en siégeant parmi les députés indépendants de LIOT, après avoir fréquenté les bancs de l’UMP et de l’UDI ! LIOT, je vous le rappelle, c’est ce groupuscule parlementaire qui, grâce à son hétérogénéité, est parvenu à fédérer tous les voix de la NUPES et du Front National pour tenter d’empêcher le gouvernement de poursuivre dans ce projet attentatoire à la concorde sociale de l’âge de la retraite. Et bien, Morel de LIOT a été le seul à voter contre une motion de censure déposée par son propre groupe. Mêlant sa voix à la droite macroniste d’En Marche et LR pour sauver le gouvernement Born et surtout approuver l’adoption de la retraite à 64 ans ! Alors oui, c’est devenu une star notre P.M.A.L’H ! Devant un cordon de pandores municipaux dirigés par un type hallucinant de morgue, de jobardise et d’inanité, une foule jamais rassemblée autrement à Mende - si ce n’est pour aller courir vers Marvejols une fois l’an – se masse pour manifester toute l’hostilité qu’il mérite. C’est dans ce concert inouï de pétards, de poubelles, de casseroles, de sifflets et de huées que je me suis posé cette question simple. Est-ce que quelqu’un d’autre que Macron - et ses soutiens - dans l’histoire de la République et singulièrement des deux derniers siècles (disons depuis la Commune de Paris) ont suscité autant de défiance et de fureur ? Je ne suis pas historien, mais je parie que non ! Et ne comptez pas sur la télévision pour évoquer ce sujet, tout de même fondamental/ Bien sûr, de Gaulle a eu 68. Mais il n’était pas la cible de la protestation. Les jeunes ne s’en prenaient pas au libérateur de 1944, ni même au fondateur de cette Cinquième République devenue insupportable. C’est à la société engoncée dans ses carcans bourgeois réactionnaires, ses préceptes religieux et ses tyrannies patriarcales, qu’ils s’attaquaient, sans parvenir immédiatement à leur fin. Même le très droitier Sarkozy ne capitalisa pas tant de haine et de désir de révolution. Il y eut des coups de mépris du genre « Casse-toi po’v con » et une politique malhonnête, clientéliste, maintenue dans un entre-soi de classe, mais, avec son cul en arrière, sa démarche en canard, ses mains baladeuses et ses constructions de phrase simplistes, voire impropres à la conversation, il se préservait un fond de sympathie, y compris chez une partie du populo. Avec Macron, rien de tout ça ! Politologues, sociologues - et même je suis sûr proctologues - s’accordent à dire qu’il ne se contente pas de péter plus haut que son arrière-train, mais qu’il fait caca sur le peuple sans la moindre retenue. Son impopularité actuelle n’a rien en soi d’exceptionnelle. Il garde encore la sympathie de 26 % des Français. Ceux qui cumulent les trois-quarts des richesses de ce pays, sans compter ceux qui en ont largement assez et qui se moquent bien de ceux qui n’ont rien. Ce socle de 26 % qui lui permet de se faire réélire et de se prévaloir d’une légitimité. 26 %, c’est encore bien plus que ce que conservait Hollande en fin de mandat, même s’il faut croire que celui-ci avait fait un pari avec Cambadélis et Le Foll, de battre le record du monde de l’extermination du Parti Socialiste et malheureusement par effet domino, de toute la gauche ! Non, c’est par la nature de l’hostilité, le profond ressentiment à son égard, que Macron se distingue. Avec Hollande et même Sarko, les gens rigolaient. Avec celui-ci, ils montrent les dents et tonnent. Trop de mépris accumulé depuis trop longtemps, trop de provocations d’abord verbales, puis législatives, trop de violence aussi dans leur exécution. J’entends que les partis de droite accusent Mélenchon - ah celui-là s’il n’avait pas existé, il leur aurait beaucoup manqué ! - de souffler sur les braises et d’agiter le chiffon rouge de la Révolution. Mais encore heureux qu’il est là pour le faire ! Comme l’écrit aujourd’hui l’Obs, on dirait que ses adversaires au pouvoir, découvrent que le leader de la France Insoumise prône l’avènement d’une Sixième République, en passant par une constituante. Et heureusement que ce mouvement la défend et encore heureux que l’idée commence à germer dans des cortèges toujours plus épais. Et soyez-en persuadés, plus ils se sentiront menacés, plus les privilégiés qui ont beaucoup à perdre dans une société plus juste et fraternelle, vont devenir fielleux, hargneux, dangereux… Lundi matin à Mende, deux mille personnes défilaient dans une ville qui en compte à peine quatre fois plus. Demain, si les planqués, les mous du bulbe, les peureux sentent qu’ils ont quelque chose à y gagner, ils sortiront du trou et grossiront les cortèges. Ce sera hélas bien loin de suffire. Car dans cette lame de fond anti-Macron, nous savons tous qu’une bonne moitié n’est pas de notre bord. Qu’elle est même ce que l’on redoute le plus au monde. Et c’est là toute la portée Machiavélique de la stratégie macronienne, moult fois dénoncée, sans que l’on n'y puisse rien changer. Nous avons deux blocs, l’un de droite (soutenu chez Renaissance par une ribambelle d’escrocs qui se disaient de gauche), l’autre d’extrême droite mieux identifié et ils savent parfaitement s’entendre pour empêcher le troisième, d’émerger. Le troisième, c’est celui de l’Humanité, de la justice sociale et de la fraternité à l’échelle internationale. C’est le plus beau, le seul qui vaille... Sans un soulèvement de la jeunesse - on en reparlera ! - rien de cela ne se produira. Nous avons certes le cœur pur et l’âme belle, mais nos jambes nous portent mal et notre souffle est court... _________________________ De l’eau puisée pour faire de l’or en coca Pétition pour dire non ! https://chng.it/8gv99BdvvG |
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