19.- LES BRAS M'EN TOMBENT - Aujourd'hui je n'avais rien prévu d'écrire. Repos. D'autant qu'avec la promotion épistolaire du bouquin Rugby flouze que vous avez déjà tous commandé - mais je voudrais ne pas en rester là ! - je ressens parfois l'envie de souffler. Mais vous me connaissez, je crains les chatouilles. Dès potron-minet, l'heure du laitier étant retardée à huit heures depuis que j'appartiens aux heureux retraités qui coûtent un pognon de dingue aux startupers, je suis tombé sur l'image fatale. Oui parce que comme tous les cons, j'ai pris l'habitude de saisir cette merde de téléphone pour consulter la météo et les dernières informations. Je me suis guéri de la télévision, j'ai été vacciné tout petit contre fessebouc et ouatesape, mais je n'ai pas terminé la désintoxication au smartphone.
Bref qui vois-je ? Le président et le premier ministre - double patte et patachon - sirotant, contents d'eux, leur expresso à la terrasse d'un café. Renseignement pris, il faisait un temps exécrable sur Paris à ne pas mettre un clodo en place, mais on ne bouscule pas un aussi beau plan com, avec de pareils détails. Ils étaient là, triomphants : "Vous avez vu comme c'est bien d'être en terrasse, libres. Eh bien c'est grâce à nous, c'est nous qu'on vous a libérés. C'est pas Mélenchon ou Le Pen qui auraient réussi un coup pareil..."
Alors vous le savez ce qui me chatouille, non qui me gratouille et me les gonfle... ce n'est pas tant qu'ils osent encore de si grosses ficelles, ils osent tout et, dites-le avec moi : ... c'est même à ça qu'on les reconnaît. Bravo ! Mais ce qui est exaspérant c'est que cela puisse marcher auprès d'une certaine catégorie de Français. Les quarante pour cents qui trouvent tout très bien et qui, suivant l'expression consacrée, leur font confiance…
Ces quarante pour cent et même sans doute plus, se sont ceux qui se sont rués ce matin dans les boutiques redevenues essentielles et même existentielles, les dernières fripes mais surtout les choses hors de prix que l'on se plaît à acquérir parce que les petits Maliens, et sûrement aussi les petits voisins, ne l'ont pas. J'ai bien réfléchi et j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas plus con qu'un consommateur. Celui que tu lâches dans les rayons et qui se met, langue pendante, à remuer la queue à chaque étalage. Et si j'ai laissé le consommateur au masculin affublé d'une queue, c'est que je suis contre l'écriture inclusive, vous m'avez suivi.
Et partout BêêêFM, partout LCI, partout C.niouse et France Info. Des micros tendus pour célébrer la libération. Ben oui, après la guerre brillamment menée par les Jupitériens y a forcément la libération
- Alors c'est bien ?
- C'est super, enfin le grand air, on avait hâte ! (les jeunes vous le noterez on toujours "hâte")
- Vous êtes venu seuls ?
- Ah ben non, on a donné rendez-vous aux copains
- Qu'elle a été votre première sensation ?
- De retrouver la vie d'avant !
- Et vous reviendrez ?
- Oui, dès ce soir ! Avec d'autres et cette fois ce sera une bière (rires hystériques et généralisés)
- A vous les studios...
Pauvre jeunesse qui vient de passer quelques mois sans pouvoir aller parler fort et rire gras sur les terrasses ! C'est pas comme si dans la plupart des banlieues, les braves gens n'allaient jamais au café, au resto, au cinoche, au théâtre. C'est pas non plus comme si deux millions étaient morts en 14/18 au front, remplaçant les terrasses par des tranchées si peu chauffées et où durant quatre ans, le café tardait parfois à arriver. Comme si vingt et quelques années plus tard, on ne trouvait plus un bout de pain et de quoi bouffer.... Non, le vrai drame c'était celui-ci. Plus de sorties entre copains sur les terrasses. Je suis persuadés que parmi vous certains ne mesurent pas la tragédie que vécurent tous ces jeunes.
D'ici quelque semaines je crois, la belle télévision française investira cette fois l'intérieur des cafés et restaurants pour célébrer leur réouverture en salle. Cela méritera amplement quelques éditions spéciales.
Et tiens, dans un autre ordre d'idée je vais vous en remettre un bout pour faire bon poids. Souvent les gens s'étonnent que je ne mette jamais les pieds chez Bras. Michel et Sébastien de leur prénom. Et ne me dites pas que vous ne savez pas de qui il s'agit. Ils doivent totaliser des heures, voire des jours de reportages. Bien entendu que j'y suis jamais allé et n'irai pas. Un restaurant où l'on paie des additions qui dépassent pour une famille le millier d'euros ne me met pas en appétit. Il me dégoûte. Et là encore, que dans un monde qui crève de faim, dans une France où un bon tiers des gens ne peuvent pas bouffer correctement chez eux, il y en ait qui s'empiffrent pour des additions colossales, je trouve ça ignoble et sale. De plus je ne supporte pas la fréquentation des riches, arrogants et parvenus, ça me gratouille...
Mais enfin je dois reconnaître que ces Bras qui en mettent plein la vue et ne me sont pas spontanément sympathiques avaient au moins l'avantage à mes yeux d'aimer leur pays, le mien, l'Aubrac. Donc je leur en faisais volontiers crédit. Jusqu'à ce que j'apprenne qu'ils poussaient leur business bien au delà du viaduc de Millau et du musée Soulage à Rodez, jusqu'au Japon. Tiens me suis-je dit ils auront confondu le pic du Roussillon et le Fujiyama. Ben quoi ? ça arrive !
Et puis juste après avoir vu les fameux duettistes en terrasse sur le smartphone, j'ai lu la dépêche suivante des "amis" du Figaro : Michel Bras chez Pinault au restaurant de la Bourse de Commerce....
Cela m'a forcément réjoui car c'est comme avant. Lorsque les bougnats de l'Aubrac reprenaient les bistrots parisiens...
Les Bras m'en tombent !
Y a pas que des libéros à l'OMS
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